Alain Finkielkraut, Immortel sous la Coupole
Alain Finkielkraut sera reçu à l’Académie française ce jeudi 28 janvier, par Pierre Nora. Parrainé par l’historien Marc Fumaroli et l’écrivain Jean d’Ormesson, l’essayiste et philosophe occupera le fauteuil de Félicien Marceau. Il devra, comme le veut la tradition, prononcer l’éloge de son prédécesseur, connu à l’Académie pour avoir, entres autres, été condamné à la Libération par le Conseil de guerre de Bruxelles, qui lui reprocha six reportages menés durant la guerre, accusés de participer à la collaboration avec l’occupant nazi.
Comment ce fils d'immigrés polonais « issu d’une famille de rescapés », de cette génération de « Juifs ashkénazes qui n’ont pas eu de grands-parents », composera-t-il avec l’exercice ? « Un certain nombre de gens se frottent les mains, se lèchent les babines et se disent “un néo-réac qui fait l'éloge d'un collabo, bien fait pour lui”, témoigne Alain Finkielkraut. Eh bien, nous verrons, j'en parlerai sans dérobade possible. »
Mécontemporain
Alain Finkielkraut a connu la faveur du public avec Le Nouveau Désordre amoureux qu'il a coécrit avec Pascal Bruckner : « Ce que nous critiquions, c’était la désublimation de l’amour au nom de la sexualité, rappelle-t-il. On faisait alors de la libido l’infrastructure du sentiment. Nous avons montré la part d’amour qu’il y a dans le désir. Quand j’aime, je suis l’otage de l’autre, je fais l’expérience d’une aliénation heureuse. »
Ce « mécontemporain » qui démontre dans Un coeur intelligent (Stock/Flammarion) sa « passion partageuse » pour la littérature participe activement au débat sur l’avenir de l’éducation, depuis La Défaite de la pensée (Gallimard, 1987) jusqu’à La Querelle de l’école (Stock, 2007).
Lui qui conçoit l’assemblée des Immortels comme une « résistance de la civilisation » contre « une nouvelle élite arrogante et barbare » se désole de « la déculturation forcenée du monde ». Son ennemi ? Internet, « un monde sans foi ni loi », « un immense cloaque où les sphincters de la liberté ne cessent de déverser leurs productions innombrables ».
Il s’expliquait dans Philosophie magazine : « Avec les nouvelles technologies, le commerce n’est plus le même, mais ce que vous commandez sur Internet, ce sont toujours des choses, fabriquées par des gens. Au nom de quoi devrait-on préférer l’avenir numérique à des métiers manuels ou artisanaux ? Nous ne nous habillons pas avec des programmes, nous ne mangeons pas des programmes, nous ne sommes pas assis sur des programmes. »
Rumination
Réactionnaire ou libre penseur, il est selon les mots de Milan Kundera l’« homme qui ne sait pas ne pas réagir, qui ressent un besoin indomptable d’élever la voix quand il rencontre quelque chose qui lui paraît stupide ou injuste, mais qui n’a aucun sens tactique ou stratégique, autrement dit quelqu’un qui a un grand talent pour se faire des ennemis ».
Des animosités, il en a suscité parmi les Immortels, dès son élection tumultueuse en avril 2014, réunissant huit voix contre lui. Parmi elles: Dominique Fernandez, Angelo Rinaldi, François Weyergans, Florence Delay ou Michel Serres, opposés à son introduction sous la Coupole. Ils lui reprochant ses prises de positions polémiques, développées notamment dans L’Identité malheureuse (Stock, 2013)
« Nous avons besoin d’une réflexion éclairée et libre sur l’intégration ou la désintégration nationale, assurait le nouvel académicien à Philosophie magazine. Il y a une autre alternative au politiquement correct que le politiquement abject. Race et Culture de Lévi-Strauss comme les articles de Jean Daniel réunis dans Comment peut-on être français ? en témoignent. J’essaie de m’inscrire dans cette lignée. »
Qu’a-t-il fait graver sur son épée ? Une citation de Charles Péguy : « La République une et indivisible, c’est notre royaume de France », un Alef, la première lettre de l’alphabet hébreu. Enfin, une tête de vache en orne la garde. Nietzsche n’a-t-il pas fait de la rumination, une image de la pensée ?
Le philosophe Alain Finkielkraut a été élu à l'Académie française ce jeudi 10 avril 2014.
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