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Abdulaziz ibn Saoud III (v. 1876-1953), fondateur du royaume d’Arabie Saoudite, avec quatre de ses trente-sept fils, en 1934. © ullstein bild/akg-images

Entretien

Anne-Clémentine Larroque : “L’attractivité du panislamisme repose sur sa capacité de transcendance”

Anne-Clémentine Larroque, propos recueillis par Hannah Attar publié le 03 novembre 2020 8 min

Ciblée par des attentats meurtriers et par des campagnes d’appel au boycott, la France semble être l’une des principales cibles d’un discours « panislamiste », aujourd’hui porté par le président turc Recep Tayyip Erdoğan. L’historienne spécialiste de l’islamisme Anne-Clémentine Larroque propose une généalogie de ce concept.

 

Pourquoi la France catalyse-t-elle aujourd’hui contre elle différentes revendications islamistes ?

Anne-Clémentine Larroque : L’islamisme se présente avant tout comme une cause commune, qui opère selon des modalités différentes. L’islamisme radical, nommé aussi mouvance djihadiste, rend visible son action en utilisant la violence et le terrorisme. La cause djihadiste s’attaque sous sa forme contemporaine à des symboles. Samuel Paty était le symbole de l’éducation laïque et républicaine, de l’esprit critique et de la liberté d’expression. L’attentat dans la basilique de Nice vise un symbole de la chrétienté, et plus encore la liberté de culte. L’articulation de ces symboles a évolué, et les attaques récentes interviennent dans un contexte social, politique et migratoire particulier en France. Les attentats perpétrés contre Charlie Hebdo et les critiques professées à l’encontre des caricatures visaient l’existence d’un journal satirique et ses prises de positions dans le cadre d’une défense de la liberté d’expression. Le positionnement français politique exprimé dans les discours d’Emmanuel Macron revendique le droit au blasphème comme appartenant au socle de valeurs de la France et à son histoire. Ainsi, ce qui relevait de la liberté d’un journal satirique devient affaire nationale, puis internationale. Les symboles épars s’agrègent autour d’un tout, et c’est ce tout qui est attaqué. C’est ainsi que l’on peut comprendre l’attaque du consulat français d’Arabie Saoudite, les manifestations au Pakistan, au Bangladesh, en Palestine et les appels aux boycotts contre les produits français. La France est elle-même caricaturée pour ce qu’elle représente. Toutefois, il importe de faire un pas de côté. Pour revenir aux attentats, ils sont les symptômes révélateurs d’un processus bien plus profond qui met en lien des idéologies issues du monde arabo-musulman et l’histoire de France dont l’identité s’est complexifiée. Les mouvements idéologiques islamistes ont pris racine au sein du territoire français depuis les années 1980. À ce titre, ils font aujourd’hui partie intégrante de la problématique des violences présentes dans notre pays. 

 

“La doctrine panislamiste a pu s’exporter à une échelle internationale depuis la fin du panarabisme”
Anne-Clémentine Larroque

 

Pourriez-vous nous décrire ces mouvements historiques ? 

Le premier tournant dans l’idéologie panislamiste est la rencontre du salafisme et du wahhabisme, qui intervient dans les années 1920. Le wahhabisme est né au XVIIIe siècle au coeur du territoire qui deviendra la monarchie d’Arabie Saoudite. Ibn Abdel Wahhab, un savant ouléma sunnite, rencontre un chef de guerre, Ibn Saoud – qui donnera son nom au futur royaume. Ils concluent ensemble un pacte : l’un apporte la doctrine spirituelle et l’autre assure la sécurité du territoire, qui n’est pas acquis à l’Empire ottoman. La monarchie d’Arabie Saoudite est alors créée deux siècles plus tard à partir de cette doctrine et souhaite exporter son modèle idéologique « wahhabo-salafiste » grâce aux pétrodollars. Par ailleurs, au XIXe siècle se développe en Égypte, territoire dominé par l’Empire ottoman, le mouvement de la « salafiya » crée par Djemâl ad-Dîn al-Afghâni. Il entend réformer l’Islam pour le placer au centre du discours politique comme vecteur d’identité. Cette mouvance réformiste se construit à la fois en réponse à l’arrivée des Européens dans le monde musulman, mais aussi en réaction au pouvoir des Ottomans qui exercent une domination sur le monde arabe depuis plus de cinq siècles. La salafiya est un mouvement élitiste et moderniste qui n’a pu émerger et finalement s’imposer en tant qu’idéologie. Aussi n’est-elle pas le salafisme, qui n’est que l’un de ses dérivés, ancré sur un fondamentalisme fermé qui substitue à elle au XXe siècle. Lui naît de la rencontre entre le salafisme et le wahhabisme, et prend toute son ampleur en Arabie Saoudite. La montée en puissance de cette idéologie s’explique notamment par un événement-clé : en 1924, l’Empire ottoman périclite, emportant avec lui le dernier Califat du monde musulman. Quatre ans plus tard, la Confrérie des Frères musulmans est fondée en Egypte par le grand-père de Tariq Ramadan, Hassan Al-Banna, tandis que la monarchie d’Arabie Saoudite naît en 1932. Ils défendent tous deux l’idée que l’Umma Islamiya [la « communauté islamique »] doit se reconstituer et les musulmans s’unir, d’après une lecture rigoriste du Coran. À partir de là, les Saoudiens ont pour mission de « salafiser » le monde : ils envoient des savants dans le monde entier, et fondent la Ligue islamique mondiale (LIM) en 1962. Ils reçoivent les Frères musulmans empêchés d’exister politiquement par Nasser, et leur donnent les moyens de renforcer leur présence dans tout le monde arabe. Ainsi, la doctrine panislamiste peut s’exporter à une échelle internationale avec la fin du panarabisme. 

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