ASMR. Ouïr sans entraves
Ce phénomène à base de voix chuchotantes, de petits bruits et d’étranges picotements connaît un engouement sans précédent, avec des millions d’auditeurs sur Internet. Substitut à la méditation, lubie infantilisante ou véritable révolution sensorielle ? Pour le savoir, ouvrez l’œil avant de tendre l’oreille.
Une femme aux cheveux roux s’avance près d’un micro. Dans ses mains, une pochette à sequins qu’elle manipule du bout des doigts : krrrrggh, chlak chlak, ffffouiiisss… De ces manipulations filmées en gros plan s’échappe une palette de sons tantôt secs et appuyés, tantôt profonds et chatoyants. « Bonjjjouur, c’est Emma », susurre l’étrange musicienne, qui jouera ensuite avec une fleur en papier kraft, un peigne bleu ciel, un paquet de biscuits et une coupelle en bois. Réalisée par la Britannique Emma « WhispersRed » Smith, cette vidéo a été vue 12 millions de fois sur YouTube. Ou plutôt, écoutée 12 millions de fois, car il s’agit d’une vidéo dite « ASMR », un format en plein essor sur Internet, qui vise à procurer détente et relaxation en proposant une ambiance sonore très élaborée.
D’où vient l’expression « ASMR » ? Ce sigle anglophone, apparu au tournant des années 2010, signifie en anglais autonomous sensory meridian response, soit « réponse autonome sensorielle méridienne ». Il qualifie une sensation physique à laquelle certaines personnes se disent réceptives et que ces vidéos déclenchent chez elles : « À la venue de certains sons, raconte Emma Smith, je ressens des picotements [tingles en anglais, l’un des maîtres mots de l’ASMR] agréables dans mon corps depuis que je suis petite. C’est un peu comme si ma peau se transformait en céréales croustillantes. Ça m’apaise. J’ai vécu des années sans savoir ce que c’était, ni que des gens ressentaient la même chose. Et puis j’ai découvert le concept d’ASMR, et ma vie a changé. »
Si l’ASMR génère des dizaines de millions de vues sur YouTube, sa définition scientifique reste controversée. Le terme « méridien » renvoie initialement aux flux d’énergie de la médecine chinoise, et les études universitaires peinent encore à identifier le mécanisme à l’origine de ces vibrations internes. Il n’empêche, ses adeptes partagent en masse les descriptions de leurs tingles sous les vidéos. Susan, vendeuse de 22 ans, nous parle d’un « frisson qui parcourt la nuque, la colonne vertébrale et va parfois jusqu’aux tempes et aux reins ». D’autres évoquent la poitrine, les bras ou les joues. Originaire du Morbihan, Susan écoute de l’ASMR plusieurs fois par semaine pour s’endormir. Cette « grande anxieuse » a un faible pour les bruits de pinceaux sur le micro, le tapping (tapotements divers) et les chuintements de la mousse. « Les petits objets en verre font de très bons sons, aussi. »
Une voie vers l’ataraxie ?
Pour beaucoup de gens, notamment chez les jeunes, les vidéos ASMR sont devenues un substitut à la méditation. « J’ai déjà essayé de méditer, mais je n’ai jamais réussi à me vider vraiment la tête, développe Susan. L’ASMR est moins exigeant, on se laisse porter par une voix agréable ou par des bruits d’objets. Quand j’écoute une vidéo, j’ai mon casque, je suis dans ma bulle, je me sens bien. C’est une bouffée d’oxygène. » Les vidéos ASMR remplacent ainsi les bols de méditation bouddhiste ou les ambiances zen façon « salon d’esthéticienne », en proposant des situations et des ambiances toujours plus insolites (jeux de rôles, expériences acoustiques sur le micro…).
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