Bachelard, Shakespeare et le mythe d’Ophélie
Beaucoup plus récent que les mythes issus de l’Antiquité, celui d’Ophélie est née des vers de Shakespeare, si frappant poétiquement qu’ils ont fait de la jeune femme noyée de désespoir un nouvel archétype. Dans la description de la reine Gertrude – la mère de Hamlet –, son corps fusionne avec l’eau. Comme dans les légendes anciennes, elle semble désormais habiter, voire hanter l’étendue qui a recueilli son dernier soupir. C’est le cas du moins dans notre imaginaire.
William Shakespeare, Hamlet,
acte IV, scène VII, trad. François-Victor Hugo.
LA REINE. — Un malheur marche sur les talons d’un autre, tant ils se suivent de près : votre sœur est noyée, Laertes.
LAERTES. — Noyée ! Oh ! Où donc ?
LA REINE. — Il y a en travers d’un ruisseau un saule qui mire ses feuilles grises dans la glace du courant. C’est là qu’elle est venue, portant de fantasques guirlandes de renoncules, d’orties, de marguerites et de ces longues fleurs pourpres que les bergers licencieux nomment d’un nom plus grossier, mais que nos froides vierges appellent doigts d’hommes morts. Là, tandis qu’elle grimpait pour suspendre sa sauvage couronne aux rameaux inclinés, une branche envieuse s’est cassée, et tous ses trophées champêtres sont, comme elle, tombés dans le ruisseau en pleurs. Ses vêtements se sont étalés et l’ont soutenue un moment, nouvelle sirène, pendant qu’elle chantait des bribes de vieilles chansons, comme insensible à sa propre détresse, ou comme une créature naturellement formée pour cet élément. Mais cela n’a pu durer longtemps : ses vêtements, alourdis par ce qu’ils avaient bu, ont entraîné la pauvre malheureuse de son chant mélodieux à une mort fangeuse.
LAERTES. — Hélas ! elle est donc noyée ?
LA REINE. — Noyée, noyée.
LAERTES. — Tu n’as déjà que trop d’eau, pauvre Ophélia ; je retiendrai donc mes larmes… Et pourtant… (il sanglote) c’est un tic chez nous : la nature garde ses habitudes, quoi qu’en dise la honte. Quand ces pleurs auront coulé, plus de femmelette en moi ! Adieu, monseigneur ! j’ai des paroles de feu qui flamboieraient, si cette folle douleur ne les éteignait pas. (Il sort.)
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