Bernard Sève : “Je crois à l’artisticité plus qu’à l’art”
Définir l’art par le style, l’idée, la forme ? Dans Les Matériaux de l’art (Seuil, 2023), Bernard Sève, professeur émérite de philosophie de l’art à l’université de Lille, propose plutôt de repenser les différents arts dans leur rapport au(x) matériau(x) qu’ils transforment. Il en tire un concept fécond, l’« artisticité », faisant de l’art « une variable » plus qu’une essence. Entretien.
Pourquoi votre ouvrage s’intitule-t-il Les Matériaux de l’art alors que tout au long de celui-ci, vous insistez sur la diversité des pratiques artistiques ?
Bernard Sève : Vous me faites plaisir avec cette question, car en vérité je voulais comme titre Les Matériaux des arts mais cette proposition a été écartée par mon éditeur, qui a jugé malheureux de faire figurer deux pluriels l’un à côté de l’autre. Dans mon titre, il faut donc entendre par « art » non les seuls arts plastiques, mais bien la totalité des pratiques artistiques de l’humanité, œuvres comme performances. La poésie, les défilés, le water design, l’art des jardins ou le théâtre ont tous leurs matériaux. Il existe plus d’une centaine d’arts !
“J’entends par ‘art’ non les seuls arts plastiques, mais bien la totalité des pratiques artistiques de l’humanité”
Vous vous refusez à dresser une liste canonique des arts, à les hiérarchiser et même à donner une définition de l’art. Pour quelle raison ?
Je pense que l’essence de l’art n’existe pas. Ne serait-ce que parce que les arts sont toujours pris dans une histoire, comme les œuvres elles-mêmes sont l’objet de très nombreux « usages seconds », car sitôt qu’elles se trouvent disponibles, elles sont reprises, transformées, appropriées, etc. L’historicité appartient à l’art. En m’inspirant de Howard Becker et de son livre Les Mondes de l’art, je défends plutôt l’idée de « continuum d’artisticité », qui me semble préférable à la volonté de séparer l’art du non-art. Même si la chose peut se révéler excitante (de la même manière qu’on peut être excité devant un problème de logique ou de mathématiques), il me parait désormais vain de chercher des critères et d’établir des lignes de démarcation. Je crois à l’artisticité plus qu’à l’art, et j’en vois partout – c’est peut-être une déformation. Quand je regarde des publicités par exemple, il m’arrive d’en trouver certaines remarquablement intelligentes et fines (voire peut-être dangereuses par leur efficacité même). Mais même dans le cas de publicités plus simples, il est très rare d’en trouver qui soient totalement dépourvues de toute forme d’inventivité et donc de tout caractère artistique.
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