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Journal de bord

Collection de frissons

Laurent de Sutter publié le 31 août 2012 3 min

C’était un corps de femme, un corps comme on en rêve souvent et comme on en touche parfois. J’aimais à en suivre les contours de la paume de la main, dans le silence des nuits inquiètes. Il était nu, le mien aussi. Je ne sais plus si nous nous étions déshabillés pour faire l’amour ou pour le plaisir de nous contempler. Cela n’avait pas d’importance. Ma main glissait le long du dos. Elle ne s’arrêtait qu’au moment d’atteindre les deux fossettes marquant la naissance des fesses. Je pensais à Brigitte Bardot ou à Paz de la Huerta. « Alors ? Tu les aimes, mes fesses ? » « Do you like my ass ? » Puis, ma main remontait vers la nuque, vers son ineffable duvet. Il y avait un frisson. J’en prenais note avec volupté, comme le plus important des événements. Il signifiait à la fois la saveur de la caresse et l’exigence de sa poursuite. Les frissons n’aiment pas la solitude, paraît-il. Ils réclament d’être suivis d’un second, puis d’un troisième, jusqu’à une forme d’épuisement. Mais cette exigence ne m’intéressait pas. Dans le cours du temps et celui de la caresse, j’avais prélevé la singularité d’une réaction. Le plaisir que le frisson exprimait serait à jamais unique, comme ce fleuve dont parlait Héraclite. À mes yeux, peu importait l’histoire dans laquelle s’inscrivait ce plaisir. Nous aimions-nous ? Nous étions-nous rencontrés la seconde d’avant ? Allions-nous poursuivre l’exploration de nos corps ? C’étaient des questions oiseuses, des questions de philosophe. La sagesse de l’événement glissait entre leurs mots à la manière du sable d’une plage des tropiques. Je me contentais de chérir la beauté de celui qui m’était offert et de m’en satisfaire comme du seul horizon accessible à mes sens. Demain, tout à l’heure, un autre frisson, une autre caresse m’arrachera peut-être la même pensée. Sans doute. Mais ce sera un autre frisson ou une autre caresse. Plus tard, lorsque je me souviendrai de la nuit passée en compagnie de la femme inconnue, j’aurai tout le loisir de les observer un à un, de retrouver l’unicité de leur saveur. Je procéderai à leur étiquetage, à leur catalogage et à leur archivage. Ils viendront grossir ma collection. Et lorsque je finirai par mourir, celle-ci sera dissipée aux quatre vents en même temps que mes cendres. Un corps, une caresse et un frisson : des morceaux d’éternité arrachés au cours du temps – des morceaux d’éternité dont l’assemblage compose mon être, comme si celui-ci ne vivait que de ceux-là. Walter Benjamin trouvait cela bourgeois ? Je n’en suis pas sûr. Le bourgeois, semble-t-il, aime à transmettre son patrimoine à ceux qui en hériteront. En revanche, je sais que ma collection périra avec moi. L’éternité ne s’hérite pas, ne se transmet pas et ne se partage pas : elle est une expérience de la solitude peuplée. Je me souviendrai toute ma vie de ce corps comme de quelque chose d’inaccessible à la corruption. La sensation du frisson causé par le passage de ma main restera intacte dans celle-ci comme dans ma mémoire – et, sans doute aussi, dans celle de la femme inconnue. Céline prétendait que l’amour était l’infini mis à la portée des caniches. Peut-être. Mais une simple caresse sur un dos nu pouvait suffire. Je le savais, ici et maintenant.

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