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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Enquête

Comme des poissons dans l’eau ?

Paul Blondé publié le 25 août 2020 15 min

Même en période de recrudescence de la pandémie de Covid-19, nous ne résistons souvent pas à l’idée de piquer une tête dans l’eau. Pourtant, nous ne sommes pas des poissons, mais des animaux terrestres. Alors, pourquoi la nage est-elle la grande passion des Modernes ? Plongée dans un grand bain… philosophique.

 

En cette fin d’été, une question se pose, plus philosophique qu’il n’y paraît : pourquoi nageons-nous ? L’agrément qu’on y trouve est, somme toute, très relatif. L’eau est souvent froide, salée en mer, poisseuse en rivière, toujours polluée. Et puis, c’est une activité dangereuse. 1 960 noyades ont été recensées à l’été 2018 en France, dont 406 mortelles (les chiffres de l’année dernière ne sont pas connus). Nous sommes vraiment des animaux terrestres. D’ailleurs, 95 % des fonds marins restent inconnus, et, par le passé, davantage d’hommes sont allés sur la Lune qu’au-dessous des 10 000 mètres de profondeur. 

Les premiers documents attestant de la pratique de la natation datent d’environ 4 500 ans avant notre ère et proviennent d’Égypte et d’Assyrie. Les Romains, eux, enseignaient la natation aux enfants, s’immergeaient aux thermes pour le plaisir et disaient d’un homme peu instruit qu’il ne savait « ni lire ni nager ». Pourtant, nager n’est pas une constante anthropologique dans l’histoire, loin s’en faut, et Homo sapiens dépourvu d’écailles a plutôt fui l’eau au cours des millénaires. Le fait de savoir y évoluer représentait presque uniquement un moyen, au mieux de rejoindre la rive d’en face, au pire de ne pas y laisser sa peau. Et si l’on remonte un peu l’histoire comme le saumon le courant, on s’aperçoit que la domestication de l’élément liquide, et à plus forte raison sa transformation en un espace de loisir, est un événement récent. En Europe occidentale, la piscine a été recréée seulement au XIXe siècle, et les stations balnéaires ont été inventées à la même période. Comme le décrit le philosophe Pierre Cassou-Noguès dans Métaphysique d’un bord de mer (Éd. du Cerf, 2016), à la place de nos fronts de mer aménagés « s’étendaient auparavant d’autres paysages […] inhospitaliers […]. Les habitants construisaient leur villages en retrait dans l’intérieur des terres, ou alors choisissaient le fond d’une baie, un sol dur, une espace encaissé pour creuser un port […]. Que s’est-il passé alors ? […] On a inventé, ou réinventé le bain, c’est-à-dire une mer dans laquelle on se plonge, dans laquelle on joue. » Aujourd’hui, cette pratique s’est généralisée et, au moment de choisir son activité du jour en été, elle semble s’imposer d’elle-même. Mais pourquoi, seulement pour échapper à la chaleur ?

 

S’immerger dans la conscience de soi

Pour Pierre Cassou-Noguès, la température de l’eau est une donnée centrale : « La mer du premier bain, au printemps, est glacée, si froide qu’elle brûle, enflammant la peau d’une véritable douleur qui fait ressortir la tête de l’eau, aspirer à plein poumons, la bouche ouverte, l’air doux, pour s’en remplir avant de replonger. […] Le froid fait oublier que l’on possède une peau, que c’est une surface qui sépare l’intérieur du corps et le monde extérieur. […] Cette frontière qui me sépare du dehors ne consiste plus en une peau mais elle n’est pas abolie : le froid, qui m’empêche de respirer, vient du dehors. » Selon Cassou-Noguès, ce rappel presque charnel de l’existence du monde extérieur entraîne automatiquement une redécouverte du monde intérieur : « Je me découvre alors moi-même comme une sphère de vécus, plus profonde que l’être humain et que le corps naturel, au bout de laquelle se déploie l’extériorité. » 

 

“L’eau, contrairement à l’air, nous donne un sentiment immédiat de notre peau, donc de notre corps. En étant dans l’eau, on ne voit pas le paysage, on s’inscrit dedans. On le pénètre”
Pierre Patrolin, écrivain

 

Ainsi, l’immersion provoquerait une sorte de prise de conscience : c’est quand le monde m’enveloppe que je saisis mes propres limites et me redécouvre moi-même, presque plus vivant que dans l’air. Une vision partagée par Pierre Patrolin, auteur d’un roman insolite, La Traversée de la France à la nage (P.O.L, 2012), dont le héros décide par fantaisie de se jeter dans la Garonne à la frontière espagnole pour atteindre la Belgique via les cours d’eau hexagonaux. L’auteur de ce que la critique avait habilement qualifié de « roman-fleuve » nous confirme qu’« entrer dans l’eau, c’est avant tout entrer dans une matière. Or l’eau, contrairement à l’air, nous donne un sentiment immédiat de notre peau, donc de notre corps. En étant dans l’eau, on ne voit pas le paysage, on s’inscrit dedans. On le pénètre. » 

 

Rendre possible l’impossible

Gilles Deleuze évoque l’apprentissage de la natation dans l’un de ses cours sur la philosophie de Spinoza, où il explore les trois « genres de connaissance » distingués dans l’Éthique. Le premier genre de connaissance, lié à nos perceptions, est incertain. Le deuxième, celui de la connaissance rationnelle, repose sur la compréhension des combinaisons et des rapports entre les choses. En troisième lieu vient la connaissance adéquate de l’essence des choses. 

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