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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Jan Höfer

Enquête

Penser comme un poisson dans l’eau

Lia Nordmann publié le 20 septembre 2023 13 min

Nous les retrouvons dans le lit des rivières, dans les mers et les océans, parfois en aquarium, et, sans trop de vergogne, dans nos assiettes. Mais que savons-nous de l’intelligence des poissons ? Lia Nordmann, rédactrice pour l’édition allemande de Philosophie magazine, a plongé dans les abysses.

 

Les baleines communiquent au moyen de chants qu’elles se transmettent de génération en génération. Le dauphin se reconnaît dans un miroir. La pieuvre construit un abri avec des coques de noix de coco. L’idée qu’il puisse y avoir de la pensée, de l’intelligence, peut-être même des formes de conscience de soi jusque dans les profondeurs de l’océan ne nous est pas étrangère. Mais notre fascination pour les êtres vivants marins nous fait souvent oublier le plus grand groupe d’animaux vivant sous les eaux : les poissons.

 

Le péché d’Aristote

Dans ses nombreux écrits de biologie, Aristote – qui a sans doute été le premier philosophe à regarder sous la surface des eaux – s’est intéressé à l’anatomie, à la reproduction et au mode de déplacement des animaux et des hommes. Il y compare la manière dont les différentes espèces se comportent, note les points communs (les pigeons vivent en couple comme des époux) et les différences (les hommes ont un visage, pas les animaux). Autour de 330 av. J.-C., le philosophe passe plusieurs années sur une île de la mer Égée, où il pose les premiers jalons de ce qui allait devenir la biologie marine, observant et disséquant des poissons, des coraux et même des baleines. Pour Aristote, la place d’une espèce dans la hiérarchie de la vie dépend du fait que l’animal ait le sang chaud (parfait) ou froid (imparfait), qu’il mette au monde des individus vivants déjà formés (parfaits) ou ponde des œufs (imparfaits), etc. Au sommet de l’échelle, sans surprise : l’humain, suivi des autres mammifères et des oiseaux. Les poissons se trouvent en bas de l’échelle mais sont supérieurs aux insectes et aux mollusques. L’idée de la nature comme système hiérarchique est donc bien ancrée dans la philosophie occidentale. Mais alors que de nombreuses espèces animales gravissent l’échelle de notre reconnaissance au vu des avancées de la recherche, pourquoi peinons-nous toujours à considérer les poissons comme des êtres vivants dotés d’une vie intérieure complexe ? Premier élément, superficiel, de réponse : parce que nous les voyons rarement. Dans son livre What A Fish Knows (« Ce qu’un poisson sait », non traduit), l’éthologue Jonathan Balcombe tente de rapprocher les humains de leurs lointains cousins aquatiques. À ses yeux, il suffit d’observer un poisson pendant quelques minutes pour ressentir qu’il s’agit d’un être vivant doté d’une conscience. Mais est-ce vraiment le cas ?

J’ai rendez-vous avec Clara Ahle à l’aquarium du zoo de Berlin. Elle a 27 ans, a étudié les sciences de l’environnement et exercé un métier un peu particulier. Plongeuse, elle nettoie les vitres d’un réservoir de plusieurs millions de litres d’eau et y nourrit les poissons. Nous nous tenons devant un bassin en verre, dans une lumière bleue tamisée. Difficile d’y apercevoir un être vivant. Clara me désigne ce qu’elle appelle des aiguilles de mer, des créatures ressemblant moins à des poissons qu’à des lacets suspendus, la tête au fond de l’eau. Pendant l’Antiquité, Aristote souligne déjà la difficulté à identifier en général les poissons : « Pour certains êtres qu’on trouve dans la mer, on a du mal à savoir si ce sont des animaux ou des plantes. » Lorsque, à 14 ans, Clara commence la plongée, un nouveau monde s’ouvre à elle – « Sous l’eau, tout était différent, comme plus secret. » Entièrement occupée à trouver ses repères dans un élément étranger, elle n’a que quelques fractions de seconde pour observer les poissons qui traversent son champ de vision. La vue sous l’eau, du reste, est limitée. Dans les lacs où elle a appris à plonger, sa vision porte à quelques mètres, et moins encore en profondeur : « Je ne voyais plus alors passer que des bancs de poissons fantomatiques, comme si on regardait à travers une bouteille de vin. » Mais, sous la mer, tout lui semble plus vaste, plus luxuriant : « C’est peut-être comparable avec ce que l’on ressent lorsque l’on se retrouve pour la première fois dans une forêt tropicale. Soudain, dans la mer, on voit beaucoup plus de poissons. C’est plus riche en espèces, les poissons sont souvent plus gros, plus excitants. » La jeune femme commence alors à chercher, de manière plus ciblée, certaines espèces. Les poissons, de leur côté, restent à distance. « Quand je m’approchais d’un banc, ils nous laissaient lentement la place et formaient une sorte de couloir. »

Traduit par Octave Larmagnac-Matheron
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