Conflit israélo-palestinien : lettre de Jérusalem
Alors qu’un nouveau conflit secoue Israël et la Palestine, la philosophe et journaliste Noémie Issan-Benchimol, qui vit depuis plusieurs années à Jérusalem, raconte ce qu’elle a vécu et réfléchit, loin des passions mortifères, au choc des deux légitimités qui repousse à très loin une solution pacifique à cette situation.
« C’est vrai de beaucoup de phénomènes mais c’est aussi vrai du conflit israélo-palestinien : on n’y voit pas mieux de plus près. La preuve, j’y suis, moi, à Jérusalem, au plus près, au cœur même de ce qui est devenu le centre névralgique, la poudrière, la ville trois fois sainte et mille fois emmerdante avec son aura de sainte-nitouche messianiste, et je n’y vois pas plus clair. En revanche, j’y vois certaines choses.
L’impossible (a)symétrie
Chaque épisode de la crise politique et sécuritaire du conflit israélo-palestinien a son mot-clé. Le mot-clé de la crise actuelle, dont nous ne sommes pas sortis mais qui connaît (pour combien de temps ?) un cessez-le-feu, est celui de “symétrie”. La symétrie, ou plutôt l’accusation de symétrie, comme faute morale ou trahison, permet à elle seule d’organiser une carte exhaustive des débats sur le conflit.
Quand certains dénoncent les “extrémistes des deux bords” face aux scènes de violences entre Juifs et Arabes, synagogues brulées, ratonnades perpétrées par des suprémacistes juifs, lynchages ou tentatives de lynchages sur des Juifs dans les villes dites “mixtes”, la réponse ne s’est pas fait attendre. La droite israélienne s’est insurgée contre cette équivalence de pogroms contre des Juifs avec ce qui n’aurait été, selon elle, que de la légitime défense ou de l’énervement de “jeunes”, bien compréhensibles après tout. D’autres à gauche se sont révoltés contre cette équivalence en arguant du fait que la résistance de la rue arabe ne saurait être jugée avec la même sévérité que les actions de membres de la majorité souveraine. Et, partout, le même besoin, qui semble puissant d’un point de vue cognitif et psychologique, de juger son propre camp avec des critères lâches, et le camp des autres avec des critères plus sévères. Comme si les turpitudes des autres donnaient un blanc-seing aux siennes propres.
Les comptes ne sont pas bons
Quand le Hamas a décidé de déplacer le cœur de ce qui se jouait à la mosquée al-Aqsa et dans le quartier de Cheikh Jarrah – tous deux à Jérusalem et origines du conflit – sur Gaza, en envoyant des roquettes, c’est une variation de ce motif de la symétrie qui s’est mis à hanter tous les débats. Tous ceux qui tentaient de faire une place aux deux légitimités, tous ceux qui ne cédaient pas à cette illusion coupable que les droits nationaux légitimes d’un peuple devraient s’obtenir ou être préservés au détriment d’un autre, tout aussi légitime, étaient accusés de cette faute de la symétrie. Comment oser comparer une action de résistance avec les bombardements d’une armée puissante qui fait des centaines de victimes civiles (narratif pro-palestinien) ? Comment oser comparer le terrorisme du Hamas, qui vise indistinctement les civils et se cache lui-même parmi ses propres civils, aux actions d’une armée régulière qui respecte le droit de la guerre dans une opération défensive (narratif pro-israélien) ?
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