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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Denis Podalydès jouant Harpagon dans “L’Avare”, de Molière, mis en scène par Catherine Hiegel à la Comédie-Française, en 2009. © Brigitte Enguerand/Divergence

Grand dialogue

Denis Podalydès : “Il y a chez Molière une insolence diabolique, indomptable, métaphysique”

Denis Podalydès, propos recueillis par Laurence Devillairs publié le 21 décembre 2023 20 min

À l’occasion de la publication d’un essai, En jouant, en écrivant : Molière et Cie (Le Seuil, 2023), où Denis Podalydès revient sur le rapport qu’il a noué avec la figure tutélaire du théâtre français, la philosophe Laurence Devillairs nous a proposé d’aller à la rencontre du comédien pour échanger avec lui sur ses rapports à la philosophie, au jeu comme « surcroît d’existence » et à la puissance comique et philosophique de l’œuvre de Molière. Résultat : une méditation croisée sur le métier de comédien et le choc de la révélation théâtrale.


 

 

Laurence Devillairs : Vous êtes né le 22 avril, comme Emmanuel Kant. Est-ce que ce hasard du calendrier vous a prédisposé à la philosophie ?

Denis Podalydès : Je ne suis pas du tout un philosophe de vocation. J’en ai fait parce que mon prof de philo en hypokhâgne m’aimait bien et parce que j’avais eu une assez bonne note au bac. Je me destinais à enseigner les lettres plutôt que la philosophie.

“Molière, c’est la péninsule Arabique, gorgée de pétrole. C’est fort, c’est de la viande forte !” Denis Podalydès

 

Pourtant, à vous lire dans votre dernier ouvrage En jouant, en écrivant. Molière & Cie, on sent que derrière le plaisir charnel que vous avez de jouer Molière, il y a une volonté de comprendre, qui est une attitude philosophique.

Si la philosophie peut consister à s’autoriser une sorte de vue panoptique et de recul dans et sur quantité de domaines, de la science aux arts en passant par la politique, la religion, le sport, alors oui, c’est une chose qui m’intéresse, en me défiant toutefois de toute posture avantageuse, intellectualiste, « scolastique » comme dirait Pierre Bourdieu. C’est comme monter en haut d’un belvédère et considérer le monde et ses manifestations : on prend l’air, ça fait du bien ; ça ne veut pas dire qu’on domine les choses, sûrement pas, ni même qu’on les comprend (on essaie en tout cas), mais qu’on se permet des passages, des transversales, d’une chose à l’autre, qu’on établit des relations, qu’on perçoit, par l’esprit, la richesse des mondes ou du monde. Et ce n’est pas non plus échanger des opinions de comptoir : j’aime l’objectivité de la réflexion philosophique, la patience du concept, la tenue d’arguments construits et développés. J’aime que ce soit une réflexion paisible et autant que possible, désintéressée, qui accorde toute son importance à la contradiction, à l’opposition.

 

C’est peut-être votre côté Philinte, ce personnage de Molière, ami et antithèse d’Alceste, le Misanthrope, pour qui vous dites : “Philinte, c’est moi” ?

Alceste, c’est le personnage bilieux, exigeant, tendu, qui envahit la scène de sa détestation générale, fait rire à ses dépens, lancé dans un éternel combat perdu d’avance, c’est Don Quichotte. Le rôle est éminemment gratifiant. Dans la tradition théâtrale, c’est la vedette et c’est un rôle pour vedette. On a valorisé ce rôle au détriment de tous les autres, considérés comme subalternes.

 

Mais vous ne croyez pas que c’est parce que l’on associe le théâtre aux passions – et le cinéma peut-être plutôt à l’action, par exemple ? La scène théâtrale serait comme un autel où les personnages viennent se donner en sacrifice, se sacrifier pour leurs passions ?

Chez Racine, comme chez Molière, on veut effectivement entendre vibrer la passion. On valorise l’acteur qui souffre, qui brûle.

“C’est très sérieux, la farce” Denis Podalydès

 

On veut aller voir les personnages se faire mal, saigner de leurs passions.

Et celui qui ne saigne pas nous intéresse moins. Il est là en tant que sparring partner. Je pense que c’est tout à fait faux : les passions sont partagées ; Alceste et Philinte représentent les deux faces d’un même homme, le social et l’asocial, luttant sans fin à l’intérieur de la même sphère humaine. Le « flegme » de Philinte est rationnel, ce n’est pas le flegme d’un demi-mou, d’un indifférent, c’est absolument le contraire : c’est aussi un être passionné. C’est le flegme d’un homme qui fait effort sur lui-même, qui lutte : « J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font… » Le conservatoire appelait ces personnages des « raisonneurs », mais ce ne sont pas des êtres de pure raison, abstraits, dépourvus de passion, ils sont tout aussi importants et vivants que le protagoniste. Mais on a cru et on croit encore qu’un acteur se montre moins à travers de tels personnages, sans doute parce qu’ils sont à la fois moins spectaculaires et plus difficiles à travailler. Leur texte, souvent long et dense, suspend la comédie, exige une attention concentrée. Cléante dans Le Tartuffe, dans la grande scène du premier acte, où il veut alerter Orgon contre le faux dévot, ennuie parfois le public et les interprètes eux-mêmes, si l’on n’y prend pas garde. La scène est alors sacrifiée. Or c’est une scène capitale, que Molière a voulue, pour sauver sa pièce contre la censure, il est même totalement Cléante à ce moment-là. C’est le Molière intellectuel et cultivé, qui voisine avec le bateleur : élève de Gassendi, il a fréquenté les philosophes de son temps, il est capable de lire Lucrèce dans le texte en latin…

 

Je trouve qu’il y a quelque chose chez vous de propre à l’esthétique du Grand Siècle, du XVIIe, et qui consiste à dire les choses les plus fortes de manière feutrée ; c’est cette esthétique qui fait que la passion est d’autant plus violente qu’elle se dit à demi-mot.

Peut-être, oui, sans doute. En tout cas, j’apprécie cette esthétique.

 

C’est faire la plus grande déclaration d’amour qui soit, en disant : “Va, je ne te hais point.” Il y a de cela dans votre jeu.

Je l’accepte. Et ça me fait plutôt plaisir.

 

Pourtant, vous dites que jouer au théâtre, c’est “briller”, et vouloir briller.

Mon goût du théâtre repose à la fois sur le plaisir du texte, le goût de la diction, mais aussi sur une forme d’histrionisme : l’envie de me montrer, d’être regardé, d’être écouté, de faire rire.

“Le rire m’est nécessaire. Dans notre famille, le rire était très important” Denis Podalydès

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