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Des passerelles vers l’Occident

Marcel Conche, propos recueillis par Martin Duru publié le 2 min

Tourné vers l’harmonie naturelle, le taoïsme se préoccupe autant de l’âme que du corps… jusqu’à prodiguer des conseils pour une sexualité épanouie ! Mais il conserve aussi une portée critique, voire subversive. Ce qui explique son étroit contrôle par les autorités chinoises.

« En 2001, alors que j’étais âgé de 79 ans, j’ai rencontré une jeune femme qui m’a demandé de lui apprendre le grec pour s’initier à la philosophie d’Héraclite. Ayant beaucoup voyagé et trouvant que ma culture était trop centrée sur l’Occident, elle m’a conseillé d’élargir mes horizons intellectuels en direction de l’Orient. J’ai donc lu les poètes persans et découvert la philosophie indienne, avant d’en venir à Laozi et au Daodejing. Comme les traductions existantes de cet ouvrage ne me convenaient pas, j’ai appris seul le chinois afin d’en proposer une nouvelle, la plus proche possible de la pensée qui s’y déploie. Je me suis immédiatement senti en terrain familier, car les passerelles sont nombreuses entre la métaphysique du Daodejing et la philosophie de la nature (physis) des présocratiques. Ainsi, chez Laozi, le Tao désigne et génère une réalité en perpétuel devenir, à l’instar du fleuve d’Héraclite qui s’écoule en se transformant constamment. D’autres rapprochements avec des philosophes grecs ultérieurs sont possibles : par exemple, le sage taoïste ressemble au sage d’Épicure qui s’abstient des plaisirs vains et poursuit les désirs qui lui sont nécessaires. S’il rejoint les Grecs, Laozi représente également une source d’inspiration pour le présent : c’est un écologiste avant l’heure, qui critique la technique destructrice et prône la communion avec la nature ; c’est un pacifiste résolu, adversaire de toute forme de violence et de conflit frontal. Ici en rupture avec la tradition occidentale, c’est aussi un subversif qui dévalorise l’action – au travers de sa doctrine du non-agir – et détruit le culte de l’individu. Contre les puissances du -paraître qui aliènent (l’ego, la société, le pouvoir), Laozi nous apprend à être en harmonie spontanée, avec soi-même et avec le monde. »

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