“Einstein, le dernier scientifique de son espèce”. Entretien avec Françoise Balibar

Françoise Balibar, propos recueillis par Victorine de Oliveira publié le 5 min

La première édition de Comment je vois le monde paraît en 1933. Einstein en supervisera plusieurs autres jusqu’en 1952, ce qui explique qu’il y exprime des opinions parfois changeantes, notamment sur le pacifisme. Il s’agit d’abord d’un livre militant contre le nazisme, d’un témoignage sur l’Allemagne des années 1930 qu’Albert Einstein vient de quitter pour s’installer aux États-Unis, où un poste a été créé pour lui à l’Institut d’études avancées de Princeton. On y entend davantage l’homme, le citoyen du monde, voire le moraliste, que l’homme de science. C’est d’ailleurs ce qui compte le plus à ses yeux : “Ce qui est essentiel dans l’existence d’un homme comme moi, c’est ce qu’il pense et comment il le pense, et non ce qu’il fait et ce qu’il éprouve”, écrit-il dans son autobiographie de 1949.

« Ce qui est essentiel dans l’existence d’un homme comme moi, c’est ce qu’il pense et comment il le pense, et non ce qu’il fait et ce qu’il éprouve »

Albert Einstein

Einstein construit sa vision morale du monde au fur et à mesure des événements survenus dans le courant de sa vie. L’hostilité qu’il manifeste très tôt à l’encontre de l’institution militaire se transforme en militantisme pacifiste après la Première Guerre mondiale. Il faut se souvenir qu’Einstein quitte délibérément l’Allemagne à l’âge de 15 ans, pour éviter de devoir faire son service militaire dans l’armée du Kaiser dont il abhorre l’esprit et la discipline. Après ses études à l’école polytechnique de Zurich, il demande et obtient en 1901 la citoyenneté suisse, renonçant par là même à la nationalité allemande. De ce fait, il n’est pas incorporable au moment de la déclaration de guerre en 1914. Il passe donc une grande partie des années de guerre à Berlin, travaillant à l’élaboration de la théorie générale de la relativité.

Expresso : les parcours interactifs
L'étincelle du coup de foudre
Le coup de foudre est à la charnière entre le mythe et la réalité. Au fondement du discours amoureux, il est une expérience inaugurale, que l'on aime raconter et sublimer à l'envi.
Sur le même sujet
Article
1 min
Juliette Cerf

Comédienne et chanteuse, Jeanne Balibar possède un timbre reconnaissable entre mille. Cette normalienne, fille du philosophe Étienne Balibar et de la physicienne Françoise Balibar, a abandonné ses études d’histoire pour entrer au…


Article
8 min
Philippe Huneman

Dans “L’Origine des espèces” (1859), Darwin avance que toutes les espèces vivantes sont parentes d’espèces plus anciennes et peuvent être toutes replacées sur un “unique arbre généalogique” remontant à Luca (pour Last Unique Common…


Article
5 min
Jean-Marie Durand

Si la tradition philosophique, depuis l’Antiquité jusqu’à Kant, a considéré le cosmopolitisme comme la conscience d’appartenir à l’ensemble de l…

Étienne Balibar : trente ans de cosmopolitique


Article
7 min
Octave Larmagnac-Matheron

Figure singulière et méconnue du féminisme français, la femme de lettres et militante Françoise d’Eaubonne (1920-2005), née…

L’écoféminisme de Françoise d’Eaubonne

Article
4 min
Juliette Cerf

Après Va savoir, Jeanne Balibar renoue avec l’univers de Jacques Rivette. Dans son dernier film – Ne touchez pas à la hache – elle incarne une héroïne de Balzac, la duchesse de Langeais. Une femme qui a peur de s’abandonner.


Article
7 min
Étienne Klein

Inspirée par la physique newtonienne, l’interprétation du temps par Kant n’est pas réfutée mais aménagée par la physique einsteinienne. Reste une…

Étienne Klein : comment Kant a révolutionné notre conception du temps