Hors-série "La puissance des femmes"

Élisabeth de Bohême, la grande âme

Catherine Newmark publié le 12 juin 2023 4 min

La guerre de Trente Ans inaugure pour la princesse palatine une vie d’exil et d’errance. Elle se lie d’une amitié politique et intellectuelle étroite avec Descartes, dont témoigne une correspondance, riche de discussions philosophiques sur le dualisme.

 

La vie d’Élisabeth de Bohême est marquée, dès l’origine, par une des plus grandes catastrophes de l’époque moderne : la guerre de Trente Ans. Un an seulement après sa naissance, le 26 décembre 1618, ses parents – Frédéric V, prince-électeur du Palatinat, et Élizabeth Stuart – s’installent à Prague.


Frédéric accepte alors la couronne que lui offrent les Bohémiens révoltés, et entre ainsi en conflit avec l’empereur du Saint Empire nouvellement élu, Ferdinand Ier. Un pas décisif dans l’escalade est franchi. Ce qui a commencé comme conflit religieux prend bientôt l’allure d’un interminable guerre de pouvoir, d’une ampleur jamais vue, entre les grandes puissances européennes. La guerre ravage le continent et en particulier l’Allemagne. En novembre 1620, Frédéric est vaincu par les troupes impériales à la bataille de la Montagne Blanche, et doit s’enfuir. Surnommé désormais le « roi d’un hiver » en raison de la brièveté de son règne, il passera le reste de sa vie en exil. Un destin partagé par sa famille, et notamment Élisabeth.
 

Durant son enfance, elle séjourne chez des proches, dans le Brandebourg. Ce n’est qu’à l’âge de 10 ans qu’ellevretrouve ses parents et ses frères et sœurs, à La Haye. Elle rencontre alors Anna Maria van Schurman [poétesse, artiste et érudite des Provinces-Unies surnommée « la Minerve hollandaise » et « l’Étoile d’Utrecht »], mais aussi René Descartes, en 1640, avec lequel elle restera liée par une amitié politique et intellectuelle étroite jusqu’à la mort du philosophe. Une amitié qui se traduit aussi bien par des lectures communes que par une correspondance intense.
 

Traduit par Octave Larmagnac-Matheron
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