Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Michael Schur. © Marlene Holston

En librairie

“Est-il immoral de laisser son chariot de supermarché au milieu du parking ?” La réponse de Michael Schur

publié le 26 octobre 2022 6 min

Comment être parfait, le livre de Michael Schur – créateur de la série The Good Place – publié par Philosophie magazine Éditeur, est disponible en librairie ce jeudi et en précommande sur notre boutique en ligne ! Nous vous proposons d’en découvrir un nouvel extrait, sous forme d’un questionnement éthique tiré de la vie quotidienne : est-on une mauvaise personne si l’on ne fait pas les petits efforts qui rendent la vie plus facile aux autres ?

 

« Certaines de nos actions impliquent des décisions “gratuites”, c’est-à-dire que nous devons faire quelque chose et qu’il ne nous coûte rien de faire pour le mieux. Mais comment réagir dans des situations où la meilleure décision nous coûte quelque chose : du temps, de l’énergie, un effort, un sacrifice ? Comme, disons, la question qui ouvre ce chapitre : “Dois-je ramener le chariot de supermarché à son abri ?”

De nouvelles complications rendent tout… plus compliqué. D’abord, les règles du jeu n’ont jamais été claires pour moi. Sommes-nous censés le ramener ou le magasin se fiche-t-il que nous le laissions au milieu du parking ? Certains supermarchés américains ont des employés chargés de les récupérer, ce qui semble suggérer que les abandonner près de notre place de voiture ne pose pas de problème… à moins qu’ils emploient ces gens uniquement parce que les clients sont des égoïstes et laissent leur chariot au milieu du parking, ce qui n’arrange pas le magasin.

“On sent qu’il faudrait ramener le chariot… mais le ramener nous demande un petit effort, là où nous aurions été de meilleure humeur si nous avions envoyé balader l’éthique”
Michael Schur

 

Ou alors, peut-être que c’est mieux de les abandonner au milieu du parking : ainsi, à peine descendus de voiture, les nouveaux venus en ont tout de suite un sous la main ! Ah ! Sauf qu’il arrive qu’en ouvrant la portière, bam ! on la cogne contre un chariot à l’abandon, ce qui craint. Et puis, soyons honnêtes : aller au magasin, prendre un chariot dans l’abri, faire ses courses, les ramener à la voiture… et ensuite, laisser le chariot en plan ? Il y a quelque chose qui ne colle pas. On sent qu’il faudrait le ramener… mais le ramener nous demande un petit effort, juste pour clore notre passage au supermarché – une cinquantaine de pas à travers le parking, avec les roues qui couinent sur l’asphalte pendant que nos courses flétrissent dans la chaleur de la voiture, puis la petite poussée pour le caler dans la file, et le retour : cinquante pas jusqu’à la voiture, esquiver le trafic, chercher ses clés dans ses poches, déverrouiller une deuxième fois et s’installer derrière le volant, là où nous aurions été depuis trois minutes, et de meilleure humeur, si nous avions envoyé balader l’éthique.

Donc, que dirait Thomas Scanlon de cette situation ? La règle que nous proposons ressemble à ceci : “Après avoir utilisé un chariot de supermarché, range-le sous l’abri pour que la personne derrière toi puisse l’utiliser.” Aucune personne raisonnable ne rejetterait cette règle, selon toute vraisemblance. Mais essayons : “Après avoir utilisé un chariot de supermarché, nous devons le ranger sous l’abri sauf si le magasin a un employé dédié à récupérer les chariots sur le parking, auquel cas ça ne pose pas de problème de le laisser en plan” ? Cela aussi semble impossible à rejeter. Donc, je suppose… que s’il y a un type avec un gilet réfléchissant qui erre sur le parking en récupérant les chariots éparpillés, on peut laisser le nôtre en plan et rentrer à la maison. Cette action est permise.

Voilà… et c’est tout ? On a fini ?

Le contractualisme a des limites, il ne met en place que les règles que nous pourrions tous suivre si chacun de nous avait la motivation de trouver des standards minimums de coexistence. Scanlon voit un monde empli de gens très différents et il essaye d’établir des règles de comportement basiques. Sa théorie est conçue pour empêcher les gens de faire des choses nulles ou désagréables – comme voler ou abîmer un chariot de supermarché, ou même monter dedans quand on en trouve un dans la rue, alors qu’on est saoul après un mariage, et ensuite notre pote Nick nous pousse sur le trottoir, à toute vitesse, si bien que le chariot bascule (parce que Nick aussi est saoul, et il perd le contrôle), et on finit le nez par terre.

Toutes ces règles, si elles étaient édictées comme des usages autorisés des chariots, seraient raisonnablement rejetées. Cela dit, même si les règles de Scanlon créent une base minimale pour fabriquer une société vivable, ce n’est peut-être pas le seul outil à utiliser pour prendre des décisions éthiques. Nous ne voulons pas répondre à de simples “critères minimaux” – hors de question d’avoir une simple mention passable à ce test ! Nous voulons décrocher une mention honorable en “règles sur lesquelles nous pouvons tous nous accorder”, et avec de la marge, pour devenir de vraies rock stars de l’éthique. Bien sûr que nous allons suivre les règles contractualistes sur lesquelles nous nous accorderons, mais nous irons plus loin. Nous commencerons avec le contractualisme, et ensuite nous le dépasserons…

Revenons sur notre scénario. Disons que nous sommes à un supermarché qui a effectivement engagé des gens pour récupérer les chariots éparpillés sur le parking et les ramener sous l’abri. Après avoir déchargé nos courses, nous décidons – comme nous avons coutume de le faire – de formuler notre prochaine action en nous appuyant sur la théorie du contractualisme de T. M. Scanlon.

Puisque personne de raisonnable, d’après nous, ne rejetterait la règle : “Nous pouvons laisser notre chariot dans le parking si le magasin a un employé qui s’occupe de les récupérer”, nous décidons de la suivre. Mais ensuite, d’autres détails nous apparaissent. On se dit : “L’abri n’est pas si loin.” Et aussi : “Je viens d’utiliser ce chariot, et mon père me disait toujours de remettre les choses où je les avais trouvées.” Mais encore : “Quelqu’un d’autre aura besoin d’utiliser ce chariot, et si tous les clients laissent le leur au milieu du parking, les employés chargés de les récupérer prendront du retard, et les prochains clients ne trouveront pas de chariot sous l’abri, et je n’aime pas quand ça m’arrive.” Et puis : “Laisser les chariots en plan sur le parking n’est pas une bonne idée, ils finissent par percuter les voitures des gens ou par bloquer des places, ou alors on cogne sa portière quand on veut descendre de voiture.” Et enfin : “Oui, il y a des employés chargés de récupérer les chariots, mais c’est un travail ennuyeux, fatigant et répétitif, et les gens qui le font sont dehors dans la chaleur ou dans le froid, et ils ne sont pas très bien payés, sans doute, donc oui, c’est un boulot mais je peux leur faciliter ce boulot.”

“La somme totale de ‘bien’ que nous pouvons créer en ramenant ce chariot où on l’a pris est modeste, mais cela peut légèrement améliorer la vie de pas mal de gens”
Michael Schur

 

La somme totale de “bien” que nous pouvons créer en ramenant ce chariot cinquante mètres plus loin et en le remettant où on l’a pris est modeste, mais concret, et cela peut légèrement améliorer la vie de pas mal de gens : l’employé (qui n’aura pas à ranger derrière nous) et les futurs clients (qui trouveront un chariot près de l’entrée du supermarché, où c’est le plus pratique, et des places de parking où leur voiture ne risquera pas d’être percutée par un chariot). Ça fait beaucoup de gens ! Pour un si petit effort !

Alors. Sommes-nous obligés de ramener le chariot sous l’abri ? Non. Sans doute que non.

Mais le devons-nous ? Oui, je pense. Quand nous le pouvons, il faut dépasser le “minimum requis” par le contractualisme et faire ce petit effort supplémentaire. (Et je dis cela alors que je ne suis pas le dernier à ne pas toujours faire ce petit effort supplémentaire, car qui a envie de le faire ?) Ce geste ne nous demande qu’un peu de travail et de considération, et il a le potentiel de créer une dose de bonheur et de confort non négligeable pour un assez grand nombre de gens. Il peut aider d’autres gens que nous. C’est un objectif que nous devrions tous pouvoir partager. »

Expresso : les parcours interactifs
L'étincelle du coup de foudre
Le coup de foudre est à la charnière entre le mythe et la réalité. Au fondement du discours amoureux, il est une expérience inaugurale, que l'on aime raconter et sublimer à l'envi.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
6 min
La philosophie morale (méconnue) de Thomas Scanlon
Alain Policar 26 novembre 2020

Né en 1940 à Indianapolis, Thomas Scanlon fut professeur de philosophie morale, d’abord à Princeton (de 1966 à 1984), puis, depuis 1984, à Harvard…

La philosophie morale (méconnue) de Thomas Scanlon

Article
14 min
Michael Schur : 24 heures pour être presque parfait (ou essayer de l’être)
Victorine de Oliveira 27 octobre 2022

Comment faire le bien ? Comment bien se comporter en toute situation ? Ce ne sont ni Aristote ni Platon qui donneront ici leurs réponses…

Michael Schur : 24 heures pour être presque parfait (ou essayer de l’être)

Article
7 min
Philippe Urfalino : “Pour prendre une décision collective, d’autres modèles que le vote sont possibles”
01 février 2021

À l’heure des confinements et couvre-feux imposés par le Covid, la question de la décision collective se pose de façon brûlante. Les décisions de…

Philippe Urfalino : “Pour prendre une décision collective, d’autres modèles que le vote sont possibles”

Le fil
1 min
Les recettes éthiques de Michael Schur pour se comporter parfaitement au quotidien
02 novembre 2022

Comment bien se comporter en toute situation ? C'est la question qui guide Comment être parfait, le livre de Michael Schur, créateur, entre autres, de la…

Michael Schur : 24 heures pour être presque parfait (ou essayer de l’être)

Article
3 min
Le supermarché sans caisse ou le paradis de l’illusion
Alexandre Lacroix 14 février 2018

En ouvrant à Seattle fin janvier un supermarché sans caisse, Amazon pousse jusqu’au bout la logique cachée de notre société de consommation.

Le supermarché sans caisse ou le paradis de l’illusion

Article
6 min
Comment le supermarché a transformé le monde
Octave Larmagnac-Matheron 05 novembre 2021

Le modèle du supermarché et de son petit frère atteint de gigantisme, l’hypermarché, connaît aujourd’hui d’énormes difficultés économiques. Il a…

Comment le supermarché a transformé le monde

Le fil
2 min
Thomas Scanlon, le philosophe qui inspire la série “The Good Place”
Alain Policar 26 novembre 2020

Il est rare qu’un philosophe contemporain devienne un personnage de série. Mieux encore, que sa théorie donne son nom à un épisode et que des héros…

Thomas Scanlon, le philosophe qui inspire la série “The Good Place”

Article
8 min
L. A. Paul : “Se laisser pleinement transformer par le choix qu’on a fait”
Martin Legros 11 janvier 2024

Avec le concept d’« expérience transformatrice », la philosophe américaine L. A. Paul s’interroge sur notre capacité à faire des…

L. A. Paul : “Se laisser pleinement transformer par le choix qu’on a fait”

À Lire aussi
Michaël Fœssel : “L’humanité, c’est la liberté. Point final”
Michaël Fœssel : “L’humanité, c’est la liberté. Point final”
Par Sven Ortoli
février 2024
Michael Schur : 24 heures pour être presque parfait (ou essayer de l’être)
En librairie : Michael Schur nous explique “Comment être parfait” (ou presque)
Par Michael Schur
octobre 2022
Le “dilemme du tramway” expliqué par Michael Schur en vidéo
Le “dilemme du tramway” expliqué par Michael Schur en vidéo
Par Ariane Nicolas
novembre 2022
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. “Est-il immoral de laisser son chariot de supermarché au milieu du parking ?” La réponse de Michael Schur
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse