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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Hartmut Rosa (cc) Bunnyfrosch / Wikimedia Commons

Être chez soi à l’heure de la mondialisation

Céline Largier Vié publié le 04 novembre 2014 9 min

La troisième édition du Festival Mode d’Emploi organisé par la Villa Gillet, se tiendra du 17 au 30 novembre 2014. Voici en avant-première le texte proposé par le sociologue et philosophe Hartmut Rosa. Il interviendra le vendredi 21 novembre à 19 h 30 à l’Hôtel de région de Lyon, à l'occasion d'une rencontre intitulée : “La fin des sociétés mobiles ?”. Rencontre conçue en partenariat avec le Forum Vies Mobiles.

En tant qu’hommes, nous nous sentons, de manières variables, reliés au monde. Parfois, nous avons le sentiment que les choses et les personnes qui nous entourent nous sont familiers, elles « répondent » à nos sentiments et nos besoins, et nous sommes reliés à elles de différentes façons : à travers des expériences et des histoires partagées et à travers les rôles que nous jouons dans leur vie et qu’ils jouent dans notre vie. Il en découle un sentiment d’intérêt réciproque : les personnes et les choses, l’espace qui nous entourent ne sont pas indifférents, nous nous sentons responsables d’elles, et leurs mouvements et leurs changements ont une signification pour notre propre vie. Elles semblent nous répondre et nous porter.

Puis, de nouveau, dans les moments difficiles, nous faisons souvent une expérience toute autre : les surfaces du monde deviennent d’une certaine façon dures et sourdes, hostiles ou du moins indifférentes à nos sentiments et nos besoins.

Pour Nietzsche, ce dernier mode d’existence est une conséquence directe de la perte de ce chez-soi (Heimat).

« Les corneilles crient, Et migrent à tire-d’aile vers la ville : Bientôt il va neiger. Heureux qui, maintenant encore, a un chez-soi ! » : c’est le premier vers bien connu d’un poème, qui, ensuite, dans son dernier vers, se transforme en menace : « Malheur à celui qui n’a pas de chez-soi ». L’étranger constitue donc pour des poètes comme Nietzsche et Rilke le signe d’un processus d’aliénation dans lequel le monde et le sujet deviennent réciproquement indifférents et indépendants, tandis que le « chez-soi » sert de métaphore pour une relation au monde dans laquelle le sujet et le monde entretiennent des relations positives et hautes en couleur. Cet usage de « chez-soi » et d’« étranger » s’est profondément ancré dans la sémantique allemande. Toutefois, il existe encore une autre façon d’entrer en relation avec le monde proche et le monde éloigné, qui se reflètent dans un renversement des connotations d’« étranger » et de « chez-soi » : les choses, les personnes et les caractéristiques de notre environnement peuvent aussi être vécues comme une limitation, une angoisse, une étroitesse insupportables, elles ne sont alors plus « responsives », c’est-à-dire qu’elles ne correspondent plus à nos désirs, nos besoins, nos capacités, mais sont au contraire « répulsives », repoussantes et hostiles.

L’étranger peut, en retour, apparaître attirant, ouvert, sinon « chantant » ; la « nostalgie des voyages » et le « vague à l’âme » sont les signes d’une forme d’« être au monde » imprégnée de la conviction que le vaste monde se comporte à notre égard, par principe, de façon responsive et affirmative, mais que nous ne serions pas encore « au bon endroit ». La modernité a justement pour point de départ le sentiment d’exister ; elle est indissociablement attachée / liée à lui. L’homme moderne commence à se chercher un nouveau chez-soi, un chez-soi qu’il aura lui-même choisi. Pris sous l’angle de la théorie sociale, cela aboutit à une dynamisation inédite de notre relation au monde. La modernisation n’est rien d’autre que la mise en mouvement de plus en plus rapide de notre environnement matériel, social et intellectuel ; à travers l’accélération technique des transports, des communications et de la circulation, à travers l’accélération du changement social consécutive à notre prise de distance consciente vis-à-vis des traditions et des conventions, et à travers l’incessante augmentation de notre rythme de vie, nous avons fait en sorte que les espaces, les choses et les personnes qui constituent notre environnement et définissent le monde dans lequel nous vivons, se transforment à intervalles de plus en plus rapprochés. Par conséquent, l’accélération sociale transforme d’une manière fondamentale la façon que nous avons d’être au monde, parce qu’elle modifie notre relation à l’espace, aux choses et aux personnes et, de ce fait, à nous-mêmes. La mobilité renvoie donc non seulement à une mobilité spatiale, mais aussi à une mobilité intellectuelle et sociale, religieuse et professionnelle, etc. Le concept emphatique de chez-soi (Heimat) en allemand ne pouvait donc émerger que lorsque l’expérience du monde s’était déjà dynamisée : il est l’expression de la peur d’une aliénation provoquée par l’accélération et exprime le souhait d’une « suspension » de notre rapport au monde. Dès lors qu’être chez soi désigne l’existence incontestable de notre relation au monde, elle est inaccessible pour l’homme moderne, et pourtant, elle ne peut avoir un sens et une valeur que pour lui. Être chez soi est, de ce fait, une idée tout à fait paradoxale.

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