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Le livre du jour

"Faire face", de Martin Steffens et Pierre Dulau

Nicolas Gastineau publié le 19 mai 2021 4 min

Les terrasses rouvrent. C’est le moment de rejoindre vos amis, d’oser ôter le temps d’une gorgée de café son masque... et d’en profiter pour se voir à nouveau, en face-à-face. Face-à-face : une expression qui en contient deux. Son sens figuré signifie bien sûr d’affronter un défi de front et avec courage, de réussir à garder la tête haute devant l’adversité : par exemple, avons-nous fait face à la crise sanitaire ? Mais c’est son sens littéral qui nous a le plus manqué : faire face à un ami, c’est l’avoir physiquement devant soi, sans aucune médiation. Un espace sincère et intime que nous redécouvrons donc un peu depuis ce mercredi matin.

C’est cette expression que prennent au mot Martin Steffens et Pierre Dulau dans leur essai Faire face. Le visage et la crise sanitaire, paru le 29 avril. Loin de réduire le masque à un inconfort passager, les deux auteurs explorent ce dont ils nous prive plus profondément : des visages bien sûr, mais surtout de leurs mimiques, de leurs traits, de leurs défauts. Ces faces qui, se présentant l’une à l’autre, donnent à chaque relation humaine toute sa singularité et sa sensibilité. Les auteurs s’inquiétaient d’arriver « trop tard si, comme nous l’espérons, [le livre] paraît dans des librairies à nouveau ouvertes, profitant de tables en terrasse ou de bancs à nouveau permis pour les quelques lecteurs qui, n’ayant plus à s’excuser d’avoir leur visage découvert, nous feront l’honneur de le lire ». Pas d’inquiétude, en ce qui nous concerne : le livre paraît juste à temps. 

 

  • Le visage et son mystère

Pour Steffens et Dulau, un visage est avant tout un secret. Il a quelque chose d’un poème symboliste, un peu indéchiffrable : la beauté qu’il inspire résiste à la raison et à l’explication ; on ne sait pas très bien pourquoi... mais celui-là nous plaît bien. Et la tentative de décoder l’énigme est vaine : « Nous pouvons bien le peindre, le photographier, en apprécier les dimensions physiques, les propriétés matérielles, en évoquer avec adresse l’imperceptible aura… », nous manquons l’essentiel. Il faut pour pénétrer son mystère respecter une condition aussi bien épistémologique qu’éthique : « le visage humain ne se se laisse toutefois atteindre qu’à exiger de chacun qu’il n’en fasse pas une chose parmi les choses ». Autrement dit, chaque visage contient une singularité à laquelle aucune mise en mot, aucune mise en chose ne saurait rendre justice. « Plus exactement, le visage se propose sans cesse (...) comme l’autre des choses : il indique une personne, inassignable à aucun objet. » Et les deux auteurs de citer Emmanuel Lévinas : « Le visage est présent dans son refus d’être contenu. » Un nom qu’on aurait d’ailleurs aimé croiser plus souvent dans cet essai, attendu que sa pensée plane à vrai dire sur tout le livre. Quoi qu’il en soit, ce mystère du visage, l’essai le juge ravalé par le port du masque, qui gomme toute la sensibilité du visage d’autrui, le réduisant au triste rectangle de tissu.

 

  • Le miroir infini

Mais s’en tenir à cela donnerait l’impression d’un pur solipsisme, chaque visage étant une sorte d’irrémédiable unique. Pourtant, le visage est justement ce que l’on ne peut jamais voir seul, la « seule partie de mon corps que je ne vois pas, que je devine seulement dans l’effet que mon visage a sur les traits de ton visage ». Bref, « le visage est d’emblée relationnel ». « Ma gueule ?! Qu’est-ce qu’elle a, ma gueule ?! », criait le chanteur populaire. Et il ajoutait, non sans raison : « elle ne te revient pas ». Pour Steffens et Dulau, que la tête de quelqu’un vous revienne ou ne vous revienne pas, l’expression signale bien que le visage est toujours une relation, un aller-retour entre les individus qui se font face. Ce jeu du revenir est en réalité un jeu de reflet, « comme lorsque deux miroirs viennent à se prendre dans le piège infini de leur réflexion ». Et ce va-et-vient infini porte en lui un vertige métaphysique : « le miroir rencontrera dans son reflet non point lui-même, restitué à l’identique, mais lui-même restituant identiquement l’autre ; et ce, sans arrêt. Dans cette commune “réflexion”, dans cet infini réfléchissement, c’est à la surface de moi-même que je suis arraché, mais c’est à la profondeur infinie de la relation que je suis renvoyé. »

 

  • Les rituels de la paix

Se rencontrant en face-à-face, deux visages qui dialoguent ouvrent un espace de sincérité que leurs paroles rapportées manqueront toujours. Pensons au moment où le juge d’instruction organise entre les parties d’une enquête une confrontation. La confrontation judiciaire, c’est le moment où les deux visages vont se faire face, avec l’espoir que ce ne soit plus « sa version contre ma version » mais que de la rencontre des versions et des visages naisse un moment de vérité. Mais les auteurs de Faire face explorent bien d’autres rituels dont la crise sanitaire nous a privés, qui découlent du visage mais ne s’y réduisent pas. Ainsi en est-il de la poignée de main, qui est pour eux une déclaration de paix : « la main que l’on serre est la main droite, celle qui tient l’arme. Se serrer la main signifie déclarer, tacitement, qu’on ne se fera pas la guerre. C’est là ce qu’on appelle, au sens fort, un geste : un sens rendu sensible ou, si l’on veut, un verbe incarné. » Toutes ces cérémonies gestuelles « forment la liturgie quotidienne d’une société pacifiée » par lesquels nous contenons la violence. À l’inverse, sans ces « rites d’abandon de soi », la conflictualité renaît immanquablement, l’autre étant sans cela « posé a priori comme une menace fantôme dont il faut se défier. » À l’ère des masques et de la distanciation sociale, nous vivrions d’après Steffens et Dulau dans une ambiance de violence latente, quotidienne. Si l’idée semble un peu excessive, il est en effet heureux que nous puissions accomplir à nouveau tous ces gestes de paix. Rassurons-donc les auteurs, car ces rituels qui nous ont manqué recommencent dès aujourd’hui… en terrasse !

 

Faire face. Le visage et la crise sanitaire, de Martin Steffens et Pierre Dulau, paru le 29 avril aux éditions Première Partie. 152p., 17€, disponible ici.

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