Martin Gurri : “Le public a trouvé sa joie existentielle dans le fait d’être ‘contre’”

Martin Gurri, propos recueillis par Jean-Marie Pottier publié le 4 min

Le point commun entre les “printemps arabes”, le Brexit et le mouvement des “gilets jaunes” ? Tous constituent une “révolte du public”. C’est la thèse de l’ex-analyste de la CIA Martin Gurri dans un essai inédit en français. Dès 2014, il avait livré un diagnostic qui permet de comprendre les bouleversements qui secouent actuellement nos démocraties. Il s’explique ici.

Comment un ex-analyste de la CIA se retrouve-t-il à écrire un tel livre ? 

Martin Gurri : C’était peut-être le poste le moins sexy que vous puissiez occuper au sein de l’agence, mais il m’a permis de bénéficier d’une position d’observateur privilégié. Quand, jeune analyste, je voulais savoir comment les États-Unis étaient perçus en France, il me suffisait de lire Le Monde et Le Figaro [rires.]. Mais, avec la révolution de l’information, nous avons été submergés par le nombre de réponses possibles. C’est alors que ce tsunami informationnel est devenu destructeur pour les structures politiques. 2011 a marqué un changement d’ère avec les « printemps arabes ». Le phénomène s’est ensuite étendu aux démocraties avec les Indignados en Espagne et Occupy Wall Street aux États-Unis… L’idée que le public pouvait surprendre des élites apparemment coincées au XXe siècle est alors devenue claire.

 

La décennie vient de se clore sur une autre vague de protestations, au Chili, à Hongkong ou en France avec les « gilets jaunes »... Y voyez-vous une évolution ?

La différence la plus significative est dans le nombre : au cours de 2019, j’ai comptabilisé au moins vingt-cinq insurrections de rue, pour l’essentiel des mouvements de négation de l’ordre établi, sans organisation ni leader… Ces révoltes ont parfois donné l’impression de surgir de nulle part, parce que l’on n’y prêtait pas attention. En France, les « gilets jaunes » ont tempêté sur Facebook pendant des mois avant de gagner la rue.

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