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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Félix Vallotton (1865-1925), “Le Vent” (détail), 1910. Huile sur toile, 89,2 x 116,2 cm. Conservé à la National Gallery of Art, Washington D.C. (États-Unis). © Domaine Public, National Gallery of Art

Florilège

Fracas, désir et harmonie : une philosophie chorale du vent

Octave Larmagnac-Matheron publié le 21 mai 2022 11 min

2021 a été l’une des années les moins venteuses jamais enregistrées en Europe. Le phénomène est en grande partie conjoncturel – a priori, pas d’inquiétude pour l’avenir. Difficile, toutefois, de ne pas se mettre à imaginer à quoi ressemblerait un monde sans vent… Un monde triste et morne, répondent en chœur poètes et philosophes, de Saint-John Perse à Gaston Bachelard en passant par Fernando Pessoa, Lao She, Chateaubriand ou Philippe Jaccottet.

 

« Le vent se lève !… Il faut tenter de vivre ! »

Paul Valéry, Le Cimetière marin (1920)

Colère élémentaire, courroux divin

« Je vais faire se lever contre Babylone et contre les habitants de la Babylonie un vent destructeur », lance le Dieu biblique. Le vent est d’abord une puissance élémentaire inquiétante qui « soulève », « arrache » et « disperse » toute chose, qui déracine tous les êtres de « l’endroit qu’il[s] occup[aient] ». Rien n’échappe à cette prise invisible, comme le rappelle le poète Saint-John Perse (1887-1975) dans Vents (1946) : « C’étaient de très grands vents en quête sur toutes pistes de ce monde / Sur toutes choses périssables, sur toutes choses saisissables, parmi le monde entier des choses… » Les vents nous chantent « au plus haut faîte du péril ». Tous les êtres sous le ciel sont exposés à la menace « irrésistible » de cette « âme sauvage qui [se meut] par tout l’espace », comme l’écrit le poète anglais Percy Bysshe Shelley (1792-1822) dans son Ode au vent d’ouest (trad. fr. Félix Rabbe, 1887). Menace d’autant plus terrible qu’elle demeure absolument inassignable : le danger ne nous fait pas face, nous sommes immergés en lui, pris dans son giron sans « garde ni mesure ». Nul ne sait ce que peut le vent, parce que le vent n’est rien, parce qu’il se dérobe à toute définition. Impalpable, il est capable de tout. La logique de son déchaînement échappe à la compréhension. Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944) évoque ainsi à de multiples reprises, le « hasard du vent » dans Citadelle (1948).

« Le vent, dans son excès, est la colère qui est partout et nulle part, qui naît et renaît d’elle-même, qui tourne et se renverse », précise Gaston Bachelard (1884-1962) dans L’Air et les songes (1943). « Le vent menace et hurle. […] La rafale est sauvage et pure. […] On pourrait dire que le vent furieux est le symbole de la colère pure, de la colère sans objet, sans prétexte ». Le vent de colère est un pur déferlement « qui [n’a] d’aire ni de gîte » (Saint-John Perse). Il n’est jamais là où il se trouve, mais toujours au devant de lui-même – sorte de poussée aveugle, de mouvement qui ne connaît pas de repos. Le vent n’est jamais identique à lui-même. Il n’est qu’en devenant. « La mobilité est la richesse même de la substance légère. » (Bachelard) La Bible le dit déjà : « Qui a rassemblé le vent dans le creux de ses mains ? […] Le vent souffle où il veut et tu en entends le bruit, mais tu ne sais pas d’où il vient, ni où il va. » Le poète portugais Fernando Pessoa (1881-1935) aussi : « Le vent ne parle qu’au vent. […] que te dit le vent qui passe ? / Qu’il est le vent, et qu’il passe, / et qu’il est déjà passé / et qu’il passera encore. » (Le Gardeur de troupeau)

Violence et fracas

Cette mobilité ébranle jusqu’aux assises de la terre : « Je m’efforçais en vain de me débarrasser de l’idée que la fureur du vent mettait en danger la base même de la montagne », note Edgar Allan Poe (1809-1849) dans ses Histoires extraordinaires. « Si je voulais secouer cet arbre avec mes mains, je ne le pourrais pas. Mais le vent que nous ne voyons pas l’agite et le courbe comme il veut. De même, nous sommes courbés et agités par des mains invisibles », observe encore Friedrich Nietzsche (1844-1900) dans Ainsi parlait Zarathoustra. La bourrasque de la tempête a quelque chose du sublime. La surpuissance du vent, qui fait vaciller le terrestre, évoque immédiatement la colère divine. « Il y a quelqu’un / Dans le vent », dit Eugène Guillevic (1907-1997) dans Terraqué (1942). Mais ce quelqu’un n’est pas un homme. Il appartient à un autre monde, surnaturel, que l’on ne voit pas mais qui pourtant nous interpelle. « S’amassent, dans les tourbillons de l’ouragan, des êtres monstrueux et discordants », remarque Bachelard. « Quand on veut bien suivre la production de ces êtres imaginaires, on reconnaît bientôt que la force qui les crée est un cri de colère. Et non pas un cri sorti d’un gosier animal, mais le cri d’une tempête. L’ouranide est d’abord l’immense clameur des vents courroucés. En en suivant la genèse dans les récits cosmologiques, on assiste à la constitution d’une cosmologie du cri, c’est-à-dire d’une cosmologie qui assemble l’être autour d’un cri. Le cri est à la fois la première réalité verbale et la première réalité cosmogonique », qui recouvre et engloutit, dans son vrombissement, tous les autres cris.

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