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Gérard Noiriel en 2019 © Julien Lienard

Entretien

Gérard Noiriel : “L’histoire doit avoir une utilité civique”

Gérard Noiriel, propos recueillis par Catherine Portevin publié le 27 mars 2019 16 min

Paru quelques semaines avant le début du mouvement des “gilets jaunes”, “Une histoire populaire de la France” a fait de Gérard Noiriel un historien des plus… populaires. Nous sommes allés rencontrer cet homme d’engagement, pionnier de l’histoire de l’immigration et de la socio-histoire.

Gérard Noiriel est un lutteur, teigneux avec les forts, empathique avec les faibles, taillé pour le sport de combat, au mental comme au physique. C’est son côté sauvage. Il préfère raconter l’histoire dans les maisons de la culture de banlieue que sous les ors de la République, fuyant les intrigues académiques et les studios de télé, ne craignant ni les chaises vides ni les coups d’éclat. Au fond, dit de lui-même l’inventeur de la socio-histoire, « je suis un asocial ». Il reconnaît avoir gardé la susceptibilité à fleur de peau et la « relation pathologique au pouvoir » de ceux qui n’ont pas reçu au berceau la légitimité de leur rang. Il est engagé, à la « gauche de la gauche ». Il est chercheur comme d’autres sont hommes d’action… ce qu’il est aussi à sa manière.

Dans son petit bureau de l’École des hautes études en sciences sociales à Paris, il semble à l’étroit, de passage. Concentré sur la conversation, son visage s’éclaire dès qu’il s’agit de raconter les détails de l’histoire, mais il est pressé et anxieux de repartir au front. Le front, à cet instant, c’est la sollicitation soudaine des médias : le mouvement des « gilets jaunes » ne ressemblant à rien de connu par eux, l’historien, qui vient de publier une Histoire populaire de la France, se retrouve convoqué pour en donner les clés. Soudain, des trucs démodés comme la lutte des classes, la critique de la domination, la révolte, le populaire redeviennent évidents. Tel est le destin de ce chercheur hors normes qu’est Gérard Noiriel : comme les grands classiques, on redécouvre périodiquement sa pertinence. Auteur d’une œuvre prolifique, il doit à ses origines vosgiennes et à son engagement au parti communiste (jusqu’en 1980) ses premiers choix de recherche sur l’histoire ouvrière dans le bassin de la sidérurgie lorraine. C’est là qu’il rencontre d’évidence l’histoire de l’immigration dont il est le pionnier avec son livre Le Creuset français paru en 1988 et complété depuis par ses travaux sur le droit d’asile, l’antisémitisme et le racisme. Possible que ce travail patient, complet, obstinément français et populaire, sur l’histoire de France soit précieux pour comprendre la revendication « à l’ancienne » de justice sociale que portent les « gilets jaunes »… ainsi que la part inédite du mouvement. Son Histoire populaire de la France, qu’il décline en conférences pour tous et sur un blog (noiriel.wordpress.com), est le fruit d’une vie de recherche. Et lui donne son sens : être utile. C’est ce qu’on appelait jadis l’éducation populaire.

 

Gérard Noiriel en 9 dates

  • 1950 Naissance à Nancy
  • 1979 Professeur d’histoire à Longwy, il participe à la radio libre de la CGT, Lorraine Cœur d’Acier, durant les grèves de la sidérurgie
  • 1982 Thèse sur les ouvriers sidérurgistes du bassin de Longwy-Villerupt
  • 1985 Dirige le DEA de sciences sociales de l’École normale supérieure/EHESS
  • 1988 Publie Le Creuset français, ouvrage pionnier de l’histoire de l’immigration
  • 1994 Directeur de recherche à l’EHESS
  • 2005 Cofondateur du Comité de vigilance face aux usages publics de l’Histoire
  • 2007 Démissionne du comité scientifique de la Cité de l’immigration après la création du ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration
  • 2018 Parution, en septembre, d’Une histoire populaire de la France, peu avant le début du mouvement des « gilets jaunes »

Comment vous sentez-vous appartenir au peuple ?

Gérard Noiriel : Je peux partir de l’évidence que je vis tous les jours : je ne me sens pas du même monde que celui dans lequel j’évolue aujourd’hui. Ma mère venait d’une famille d’ouvriers paysans vosgiens. Mon grand-père était étameur, ma mère a exercé ce métier, elle a été aussi brodeuse, bonne à Paris… C’est surtout elle qui nous a transmis les valeurs des classes populaires : le sens de la dignité, ne pas vouloir ressembler à plus riche que soi. Mon père, lui, était un déclassé. Ses parents représentaient plutôt la petite bourgeoisie ascendante. Ma grand-mère et ma tante étaient institutrices. Mon grand-père, issu d’une famille de paysans pauvres, a gravi les échelons dans l’armée pour devenir officier… mais sous Vichy. Ce qui lui a valu d’être condamné pour collaboration en 1945, jugement finalement annulé. Mais cette mise en cause a été un traumatisme pour toute la famille, et pour mon père en particulier. Il a été envoyé par ses parents à l’école des mousses de la Marine, à Brest. Là, il a appris le métier de radio, mais il a surtout appris à boire. Il a retrouvé ensuite un emploi en Alsace comme radio au bureau chargé d’écouter l’Union soviétique dans les années 1950. Il est resté toute sa vie au bas de l’échelle, de plus en plus sous l’emprise de l’alcool, et il en est mort. J’ai été profondément marqué par sa violence à l’égard de ma mère. J’en ai été moi-même victime en tant qu’aîné de sept enfants. Tout ceci explique que je n’aie pas une vision idéalisée des classes populaires ! Notre famille était considérée comme un cas social dans un univers alsacien assez bourgeois. Ajoutez que nous ne parlions pas l’alsacien et que mes parents étaient athées. Dans une école publique sous le régime du Concordat, avec enseignement religieux, nous étions pratiquement des immigrés !

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Article issu du magazine n°128 mars 2019 Lire en ligne
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