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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Urban Zintel pour PM

Judith Butler. « Déconstruire, ce n’est pas détruire »

Millay Hyatt publié le 17 janvier 2013 15 min

Elle a initié les gender studies qui ont bouleversé notre compréhension de l’identité sexuelle. Féministe, cette professeure à Berkeley est une femme de combats. Mais au-delà de ses engagements, elle élabore une œuvre majeure sur la fragilité du désir.

 

Judith Butler est célèbre pour avoir fondé les gender studies, les études sur le genre, qui ont essaimé dans les universités du monde entier. Dans Trouble dans le genre (1990), elle posait en effet, en lectrice de la tradition phénoménologique et de la déconstruction française, une distinction simple mais percutante entre sexe et genre, entre l’anatomie, les organes sexuels mâles et femelles, d’un côté, et la construction des identités masculines et féminines, culturelle et sociale, de l’autre. Cette distinction est élémentaire, sauf que Butler est la première à l’avoir posée avec rigueur. Et à en avoir fait un outil de relecture de l’ensemble de la tradition occidentale : souvent, les auteurs – Freud et Lévi-Strauss en tête – ont tendance à naturaliser ce qui appartient au genre. Autrement dit, on dira que les femmes sont plus tendres et plus maternelles, les hommes plus agressifs et plus dominateurs, que les premières ont un mauvais sens de l’orientation et les seconds sont plus doués pour les mathématiques, en attribuant ces particularités à la biologie et non au genre. Par ailleurs, Judith Butler a redéployé depuis une décennie sa réflexion dans une nouvelle direction. S’intéressant à la guerre et à la violence, elle se demande pourquoi certaines vies perdues sont présentées comme méritant d’être pleurées, et d’autres non. Plus précisément, elle pose des questions iconoclastes : pourquoi avons-nous tant pleuré les morts du 11-Septembre et si peu les victimes de la guerre en Irak ? Pourquoi la mort des musulmans, en général, est-elle présentée comme moins dramatique que celle des Occidentaux ou des Juifs ?

Très critique vis-à-vis de la politique extérieure des États-Unis et d’Israël, Judith Butler a récemment suscité de vives polémiques en Allemagne. Nous l’avons en effet rencontrée à Berlin, après qu’elle s’est vue remettre le prestigieux prix Adorno, la plus haute distinction qui puisse honorer un penseur, attribuée une fois tous les trois ans. Elle est la première femme à se le voir décerner. Mais ce prix a ravivé les tensions, plusieurs associations juives l’accusant d’être pro-Hamas et pro-Hezbollah. Ce fut l’occasion, pour elle, de rappeler qu’elle avait « reçu une éducation juive », et qu’elle estimait avoir bénéficié « de solides fondements éthiques sur la base de la pensée philosophique juive ». Bref, qu’elle n’avait pas de leçon de judaïsme à recevoir. Et qu’elle n’éprouvait par ailleurs pas la moindre sympathie pour les terroristes. Mais qu’elle le veuille ou non, Judith Butler, qui mène une œuvre théorique exigeante, se retrouve toujours en plein cœur d’un combat.

Judith Butler en six dates

  • 1956 Naissance à Cleveland, dans l’Ohio
  • 1984 Soutient sa thèse à l’université de Yale sur le concept de désir chez Hegel
  • 1990 Parution de Trouble dans le genre, à l’origine des gender studies, les « études sur le genre », qui se sont diffusées dans le monde entier
  • 1993 Quitte l’université Johns-Hopkins de Baltimore pour l’université emblématique de la gauche intellectuelle américaine, Berkeley, en Californie
  • 2009 Membre du Tribunal Russell sur la Palestine, qui réunit des intellectuels et cherche à définir les conditions d’une paix juste et durable entre Israël et la Palestine. Il doit rendre ses conclusions en 2013
  • 2012 Lauréate du prix Adorno

 

Qu’est-ce qui vous a amenée à la philosophie ?

Judith Butler : Mes parents ont été, dans leur famille, les premiers à avoir fait des études supérieures ; ils ont suivi des cours de philosophie et ont donc dû acheter les livres qui se sont retrouvés, plus tard, entreposés dans le sous-sol de la maison. Quand il y avait des disputes, c’est là que j’allais m’enfermer ; j’y écoutais de la musique, je dessinais et… je lisais leurs livres de philosophie : l’Éthique de Spinoza, Ou bien… ou bien… de Kierkegaard… Par ailleurs, j’allais aussi à la synagogue, une fois par semaine, où j’apprenais l’hébreu, l’histoire juive, et où l’on débattait de questions d’éthique et de politique. Je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de philosophes juifs, parmi lesquels le Spinoza que j’étais en train de lire…

 

Votre thèse portait sur le désir chez Hegel. Qu’est-ce qui vous intéressait dans ce sujet ?

C’était la double question fondamentale de savoir pourquoi les gens désirent aimer et comment ils décrivent leur désir de vivre. Quand j’ai commencé à lire Spinoza, j’ai été très intéressée par son idée de conatus – selon laquelle nous serions poussés à persister dans notre être, ce qui explique que nous désirons vivre. Or j’ai trouvé chez Hegel une sorte de prolongement de l’idée spinoziste du conatus ; selon Hegel, c’est la reconnaissance que nous désirons et qui nous donne le désir de vivre ; sans reconnaissance, ce désir est impossible. Cela m’a donc intéressée pour toutes sortes de raisons personnelles, en particulier parce que j’étais une jeune lesbienne qui essayait de comprendre s’il existait des normes susceptibles de reconnaître mon propre désir ; je voulais savoir si j’étais capable de vivre dans un monde où il n’y aurait pas de normes reconnaissant mes désirs.

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