Une cour d’appel refuse l’inscription du sexe neutre à l’état-civil
[Actualisation: la Cour de cassation a refusé, jeudi 4 mai 2017, la mention “sexe neutre” sur l’état civil d’une personne intersexuée] La cour d’appel d'Orléans a refusé lundi 21 mars 2016 l’inscription du “sexe neutre” à l’état civil d’une personne intersexe craignant une brèche ouverte dans les questions de genre. Ce droit avait pourtant été reconnu par un tribunal en août dernier.
La cour d’appel d’Orléans a refusé dans un arrêt rendu lundi 21 mars 2016 l’inscription du « sexe neutre » à l’état civil d’une personne intersexe. Ce droit lui avait pourtant été reconnu pour la première fois en France par le tribunal de Tours. « Admettre la requête de monsieur X reviendrait à reconnaître, sous couvert d’une simple rectification d’état civil, l’existence d’une autre catégorie sexuelle » ont ainsi argué les magistrats de la cour d’appel. Pour le ministère public, « la loi française ne prévoit en aucune façon la possibilité de porter la mention “sexe neutre” sur un acte d’état civil ».
Ce sexagénaire né avec une « ambiguïté sexuelle », c’est-à-dire dotée d’un « micropénis » et d’un « vagin rudimentaire », sans ovaire ni testicules, avait été autorisé par le tribunal de Tours à voir porter la mention « neutre » sur son état civil, le 20 août 2015. Prenant en considération le « droit à la vie privée » du plaignant, le tribunal français ouvrait-il la voie à l’élargissement du genre, hors de « la binarité ancestrale des sexes » ?
Trouble dans le genre
Redoutant cette perspective, le parquet a fait appel de la décision craignant l’établissement d’un cas de jurisprudence et une menace, à terme, pour la civilité ordinaire. L’intersexualité, soit l’impossibilité à définir les organes génitaux, représente de toute façon une pierre d’achoppement pour la médecine, la société et le droit, en fracturant les catégories établies : masculin/féminin. C’est d’ailleurs bien la force de ces minorités, de tout « ce qui “tombe au-dehors” », que de nous permettre, comme l’écrit la philosophe Judith Butler dans Trouble dans le genre, « de comprendre que le monde de la catégorisation sexuelle ne va pas de soi, qu’il est construit, qu’il pourrait même être autrement ». Selon elle, il n’existe pas de nature primitive antérieure aux pratiques culturelles ; celles-ci produisent également la dualité des sexes qu’on prétend naturelle.
L’inscription de la neutralité à l’état civil permettra-t-elle donc d’en finir vraiment avec l’alternative binaire masculin/féminin, en ouvrant « le champ des possibles en matière de genre », selon le vœu de Judith Butler ? L’affaire n’est pas tranchée. Le cas de monsieur X pourrait être porté devant la Cour de cassation et, éventuellement, devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui reconnaît « un droit à l’identité sexuelle, droit lié à l’épanouissement personnel, qui est un aspect fondamental du droit au respect de sa vie privée ».
Un tribunal français a reconnu l’inscription du « sexe neutre » à l’état civil d’une personne intersexe. Une brèche ouverte dans les questions de genre ? Pas si sûr.
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