Que signifie être féministe à l’époque du « trouble dans le genre » ? Ne pas faire de la femme un bloc monolithique, mais une catégorie aux significations multiples et changeantes, répond la philosophe américaine (qui se déclare « non-binaire ») Judith Butler. L’occasion de tordre le cou aux nombreux préjugés qui pèsent sur les études de genre.
Que signifie pour vous être une femme ? Être féministe ?
Judith Butler : Je ne suis pas certaine d’être une femme. Comment le saurais-je ? J’accepte de parler « en tant que femme » dans certaines circonstances, par engagement féministe, mais il ne s’agit pas pour moi d’une forme d’identification « primaire ». Être féministe, c’est autre chose – il n’est pas nécessaire d’être une femme ou même de « savoir » ce que veut dire être une femme pour l’être. Très simplement, être féministe, c’est s’opposer à l’inégalité et à la violence qui pèsent sur les femmes – y compris sur les femmes trans. C’est se battre pour la liberté des femmes d’agir et de se mouvoir dans les sphères publique comme privée. C’est revendiquer le pouvoir d’établir une société plus juste.
Mais le féminisme, en tant que mouvement, désigne aussi une forme d’alliance. En ce sens, il est en grande partie défini par les combats des femmes de couleur. En effet, celles-ci sont en première ligne, et élaborent une grille d’analyse intersectionnelle [terme proposé par la militante afro-américaine Kimberlé Williams Crenshaw pour décrire le poids cumulatif des différentes oppressions] qui place la question raciale, les droits humains, la critique des violences policières et des emprisonnements abusifs, mais aussi la justice économique, au cœur des luttes. Le féminisme est aussi intimement lié aux combats anticolonialistes. Comment en serait-il autrement, étant donné le double assujettissement des femmes mais aussi des groupes non conformes à la binarité occidentale du genre dans des régions livrées aux occupations et à la guerre, où les effets de la colonisation se font encore sentir ?
En France, les études de genre sont souvent présentées comme une volonté d’abolir la binarité homme/femme. Est-ce le cas ?
Très peu de gens, au sein des études de genre, cherchent à abolir la distinction entre homme et femme. La plupart essaient seulement de comprendre la diversité des significations qui sont attribuées au fait d’être un homme ou une femme, ainsi que les différents contextes (travail, famille, politique, etc.) dans lesquels ces catégories prennent sens. Cela étant, il est vrai que certaines personnes s’identifient comme non-binaires (c’est mon cas, par exemple), et qu’il est sans doute plus pertinent de considérer le genre comme un spectre plutôt que comme une opposition binaire homme/femme. Bref, je reconnais le fait qu’il y aura toujours des différences en matière de genre. Toutefois, je rejette l’idée qu’il n’y aurait, en matière de genre, qu’une unique différence, celle entre hommes et femmes.
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