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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Doryphore d’après Polyclète, exemplaire du musée de Naples (Italie) prêté au Grand Palais (Paris) lors de l’exposition de 2014 “Moi, Auguste, Empereur de Rome”. © Wikimedia Commons

Analyse

Kant était-il nul en art ?

Alexandre Lacroix publié le 06 février 2024 7 min

Qui a dit que la couleur ne comptait guère en peinture, que Frédéric II de Prusse était un immense poète et qu’aucun compositeur n’avait égalé le chant du rossignol ? Le plus grand spécialiste du beau et du sublime que la Terre ait porté, Emmanuel Kant.

 

Il semble difficile, voire impossible, d’écrire un bon livre de philosophie des sciences en ne connaissant rien aux mathématiques ni à la physique, ou un bon livre de philosophie politique en ignorant l’histoire et le droit. La tradition de l’enquête en philosophie, portée près de nous par des John Dewey ou des Bruno Latour appartenant au courant du pragmatisme (mais qui remonte loin en arrière, au moins à Aristote), rappelle que nous avons besoin d’avoir minutieusement observé les phénomènes avant de pouvoir opérer une remontée vers la généralité du concept. Autrement dit, il faut être familier d’une chose pour la penser correctement. Soit.

Mais il y a un contre-exemple étonnant, et même bluffant : le plus grand traité d’esthétique jamais écrit, la Critique de la faculté de juger (1790) d’Emmanuel Kant, est dû à un homme ignorant à peu près tout des beaux-arts. Les conditions de vie de celui-ci n’étaient objectivement pas très favorables à l’acquisition d’une telle culture. Kant vivait à Koenigsberg (actuelle Kaliningrad). Dans cette bourgade de dimensions modestes, les occasions étaient rares de visiter des expositions, d’assister à des concerts ou à des opéras. Kant n’a jamais voyagé au-delà de sa région natale, il n’a pas circulé dans les grandes villes européennes où il aurait pu découvrir la variété des formes d’expressions artistiques. Et comme le Web n’existait pas, il ne pouvait se procurer que des reproductions en noir et blanc des œuvres célèbres de la peinture, de la sculpture ou de l’architecture. Ses connaissances artistiques sont restées assez limitées et il ne cite, pour étayer ses réflexions sur l’agréable, le beau et le sublime, que très peu d’exemples. Une manière amusante de relire sa Critique est de ne s’intéresser qu’à ces derniers pour essayer de comprendre à partir de quoi, concrètement, le génial Kant spéculait.

Pour ce qui est de la peinture, Kant ne cite aucun tableau dans la Critique, mais il en mentionne un dans son Anthropologie (1798), L’École d’Athènes (1508-1512) de Raphaël, en faisant une double erreur : sur le titre – il l’appelle « L’École péripatéticienne » – et sur l’auteur – il l’attribue au Corrège. Dans la Critique de la faculté de juger, il émet un avis assez imprudent avec lequel peu de peintres tomberaient spontanément d’accord : « Dans la peinture, écrit-il, le dessin est l’élément essentiel », tandis que « les couleurs, qui enluminent le tracé, relèvent de l’attrait ». Comme Kant ne connaît les grands tableaux qu’à travers des gravures, il subit ici une déformation involontaire. Mais une nécessité propre à son système le pousse aussi à émettre cet avis : en effet, Kant distingue l’agréable, qui flatte la sensation, et le beau, qui est l’objet d’une satisfaction à la fois universelle et désintéressée. L’agréable n’a aucune universalité : certains préfèrent le rouge au bleu, d’autres détestent le jaune ou le kaki. C’est une affaire personnelle. Il est possible que vos yeux et les miens ne fonctionnent pas de la même façon. Pour Kant, les couleurs ne sont que des stimuli qui affectent nos facultés de perception. Le dessin permettrait une élaboration autrement plus profonde, puisqu’il touche à la forme. Toutefois, il est possible d’objecter que la plupart des peintres s’intéressent davantage à la matière qu’au trait, et que les grands maîtres ont tous innové dans le traitement des huiles et des pigments – qu’on songe au sfumato de Léonard de Vinci, au noir du Caravage ou, plus récemment, à la touche de Van Gogh ou de Monet. En général, les peintres détournent et emploient la matérialité du monde pour créer de nouvelles visions sur la toile, quand le trait n’a pour eux valeur que de croquis préparatoire ou d’échafaudage.

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Kant et le beau
​Peut-on détester une œuvre comme « La Joconde » ? Les goûts et les couleurs, est-ce que ça se discute ? À travers cet Expresso, partez à la découverte du beau et du jugement du goût avec Kant.

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