Théâtre

La comédie Leopardi

Christophe Jacquet publié le 2 min

Le poète romantique italien fait la satire des rêves de progrès nés des Lumières. La rigueur et l’inventivité de ses Petites Œuvres morales ont été portées à la scène par Jacques Nichet à la MC93 de Bobigny, au printemps 2008.

Tout comme Schopenhauer son contemporain, Giacomo Leopardi est le chantre « d’une unique pensée ». Celle du désenchantement du monde au moment même où, au XIXe siècle, la raison, le progrès bercent l’homme -d’illusions dans sa quête du bonheur terrestre. Le poète italien n’a bâti nul système pour réfuter les idéaux positivistes, mais plutôt servi, à travers ses chants, discours et lettres, des méditations sur l’anthropocentrisme et la dilution des valeurs spirituelles. Pour son dernier spectacle, créé au théâtre national de Toulouse, Jacques Nichet en a adapté la quintessence avec Petites Œuvres morales (Allia, 2007). Le metteur en scène s’offre la « rêverie philosophique » par laquelle Leopardi « nous oblige à voir de très loin notre petite humanité, perdue sur un petit espace dans l’Univers, alors que l’homme s’en croit le -centre ». Écrites en 1824, les Operette Morali déclinent vingt-quatre dialogues platoniciens invoquant Prométhée, la Terre et la Lune, Christophe Colomb, la Mort... Avec ces pastiches, Leopardi tourne « en comédie les vices des grands, les principes des calamités et de la misère humaine, les absurdités de la politique, les incongruités de la morale et de la philosophie... », ainsi qu’il l’écrit dans Zibaldone (Allia). Jacques Nichet en a retenu six, desquels se dégage comme « un éclair de la pensée ». Il y voit « un travail énorme » – mythes antiques parodiés, mélange des genres littéraires, satire historique – s’effacer « dans la rapidité du dialogue qui condense la [réflexion] ». Comment représenter cette fulgurance ? Avec des images simples. Le plateau nu, sans décor, figure le « néant ». De ce vide surgissent puis disparaissent les deux mêmes acteurs. Telles des marionnettes, au gré du jeu des cintres, trappes et rideaux, ils interprètent Copernic face au Soleil refusant de se lever, un elfe et un gnome riant de la disparition des hommes, un passant et un marchand d’almanachs discutant la nouveauté du progrès... Le spectacle use de la surprise pour retrouver, toujours d’après son metteur en scène, « la gestualité de la pensée » de Leopardi. Et toute sa « modernité » aussi. En témoigne le dialogue de la Nature et d’un Islandais, où le Nordique en fuite fustige « la vanité de la vie et la sottise des hommes » : « Je les vis se battre sans répit pour des plaisirs qui n’en sont pas et des biens qui ne servent à rien [...] et s’éloigner ainsi tous les jours un peu plus de ce bonheur qu’ils ne cessent cependant de poursuivre. »

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