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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Julien Pacaut pour PM

La face cachée de la lutte

Lucien Jaume, Florent Guénard, Blaise Bachofen, propos recueillis par Michel Eltchaninoff publié le 18 juillet 2012 18 min

Et maintenant, la preuve par les citations ! Où l’on découvre que, sur les fondamentaux – comme la vision de l’homme, de la violence, de l’État –, c’est bel et bien Thomas Hobbes et Jean-Jacques Rousseau qui ventriloquent les deux principaux candidats.

« Abandonner la course, c’est mourir. » C’est peut-être ce que se répète le président-candidat tous les matins en se rasant. Nicolas Sarkozy sait qu’il devra déployer une folle énergie pour vaincre une seconde fois. Mais une conviction absolue le pousse au combat. Non pas celle de remporter la présidentielle. Il sait que le succès n’est jamais assuré. Une vérité plus sourde l’anime : « Abandonner la course, c’est mourir. » Sait-il que cette phrase est de Hobbes ? C’est douteux, et il n’y a guère, à notre connaissance, d’allusions au philosophe anglais du XVIIe siècle dans ses écrits ou ses discours. La filiation, pourtant, saute aux yeux.

Prenant à rebours la tradition, qui privilégie la quiétude et la contemplation, Hobbes emprunte à son contemporain Galilée l’idée que le mouvement des corps ne s’arrête jamais. Vivre ne se résume pas à rechercher la sérénité, et à s’y installer douillettement. Non, « la félicité […] ne consiste point à avoir réussi, mais à réussir ». N’est-ce pas ce mouvement perpétuel qui définit Nicolas Sarkozy ? Après la tranquille présidence de Jacques Chirac, il a surpris par sa mobilité : ruptures, annonces, retournements, surprises en cascade pour électriser le peuple et mobiliser les médias, brusques accélérations, sans oublier cette agitation chronique qui fait de son corps un nœud de tensions et de soubresauts irrépressibles. Nicolas Sarkozy le revendique : « Dans les valeurs auxquelles je crois, il y a […] le mouvement. Je ne suis pas un conservateur. Je ne veux pas d’une France immobile. […] Rester immobile serait mortel quand tous les autres avancent » (congrès de l’UMP à Paris, 14 janvier 2007).

Autre trait commun à Sarkozy et à Hobbes : une vision pessimiste de la nature humaine, souvent dissimulée mais profonde. Pour celui qui a voulu dépister les futurs délinquants dès la maternelle, instaurer des peines planchers, limiter la liberté conditionnelle, qui considère la pédophilie comme un héritage génétique, la récidive comme une fatalité, qui fustige les voyous, les profiteurs, les menteurs, les lâches, les tartuffes, les sectaires, les saboteurs (discours de Bordeaux, 3 mars 2012)… pour lui, vraiment, « l’homme est un loup pour l’homme », selon l’antique formule de Plaute reprise par Hobbes. Nous serions naturellement voués au mal.

La piste noire n’est pas dans le style de François Hollande. Avec son débit hésitant, il paraît tranquille et bonhomme. S’il fait montre de persévérance, il a rarement l’air pressé. Tôt parti dans la course présidentielle, toujours prêt à lancer un bon mot, il passe volontiers douze heures au Salon de l’agriculture. Dans le discours censé donner de l’élan à sa campagne, il affirme sans gêne : « Je suis placide. » Il pourrait confesser comme Jean-Jacques Rousseau dans les Rêveries du promeneur solitaire : « Le sentiment de l’existence dépouillé de toute autre affection est par lui-même un sentiment précieux de contentement et de paix qui suffirait seul pour rendre cette existence chère et douce […]. Mais la plupart des hommes, agités de passions continuelles, connaissent peu cet état. » Suivez mon regard : « Les hobbesiens, selon Rousseau, oublient toujours le doux sentiment de l’existence », précise-t-il dans une lettre à Voltaire. François Hollande renchérit : « Nous avons besoin de stabilité, de cohérence, d’harmonie… j’allais dire de calme, tout le contraire de ce qui a été pratiqué depuis 2007 » (à Clichy-la-Garenne, 27 avril 2011). Enfin, Hollande fait montre d’un optimisme de bon aloi : « J’aime les gens, confesse-t-il dans son discours du Bourget, le 22 janvier 2012. Je prends chaque regard comme une attente, chaque visage comme une curiosité, chaque poignée de main comme une rencontre, chaque sourire comme une chance ». Surjoué ? Angélique ? Peut-être, mais à mille lieues du pessimisme tragique d’un Nicolas Sarkozy. Et très proche, là encore, de Rousseau, pour qui « l’homme est naturellement bon ».

 

L’énergie est-elle de droite ?

Il ne s’agit pas seulement d’une différence de caractère ou d’image. La promotion du mouvement engage une vision de l’homme. À sa racine, il y a ce que Hobbes appelle du mot latin de conatus – en anglais endeavour, en français effort – une impulsion vitale qui existe chez tous les êtres. Chez l’homme, ce principe se décline sous le nom de désir. Nicolas Sarkozy évoque cette inexplicable « énergie » qui est comme un don de naissance et qui lui confère la force d’agir sans s’interrompre. Ainsi que le penseur anglais l’affirme dans le Léviathan, « je mets au premier rang, à titre d’inclination générale de toute l’humanité, un désir perpétuel et sans trêve d’acquérir pouvoir après pouvoir, désir qui ne cesse qu’à la mort ». Cette impulsion désirante est au fondement du sarkozysme. La valorisation du travail et de la croissance repose sur elle. Le désir de progresser, de conquérir, de gagner, serait universel et positif. Mais Hobbes est également l’un des premiers individualistes . Selon lui, il n’existe aucun désir naturel de vivre ensemble. Chacun est en concurrence avec les autres pour acquérir des biens et des pouvoirs. Du coup, la concurrence est générale. Hobbes évoque « la compétition dans la poursuite des richesses, des honneurs, des commandements et des autres pouvoirs ». Nicolas Sarkozy, lui, déclare en 2005 : « C’est la vie, la concurrence. Je vais même vous dire mieux, moi, j’ai la concurrence dans les veines. » Elle serait inscrite dans notre physiologie. Si la vie est une course sans fin, « on n’a, selon Hobbes, d’autre but et d’autre récompense que de devancer ses concurrents ». La compétition s’applique également aux superindividus que sont les États. Comme le soulignait récemment Nicolas Sarkozy à la télévision : « Je sais que la France est en compétition. »

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Article issu du magazine n°58 mars 2012 Lire en ligne
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