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“Jeune homme nu assis au bord de la mer-Étude” (1835–36). Huile sur toile (0,980 x 1,240 m) d’Hippolyte Flandrin (1809-1864) exposée au Musée du Louvre, à Paris. © Akg images

Un classique éclaire le présent

La santé mentale des jeunes, nouveau “mal du siècle” ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 03 janvier 2022 4 min

Dépression, angoisse, pensées suicidaires… Même avant la pandémie de Covid-19, au moins un cinquième des jeunes souffrait de problèmes de santé mentale. Les confinements à répétition n’ont rien arrangé à ce mal-être généralisé auquel n’échappe pas la France, selon une enquête de l’Unicef : « 76,6 % des 6-18 ans indiquent qu’il leur arrive d’être triste ou cafardeux, 53,3 % de n’avoir plus goût à rien, et 64,2 % de perdre confiance en eux. […] 27,2 % des [adolescents] reconnaissent qu’il leur est déjà arrivé de penser au suicide, et 10,3 % qu’ils ont déjà tenté de se suicider. » 

Certains parlent d’un « nouveau mal du siècle » – à l’instar du représentant de l’association Youth for Climate France Noé Gauchard, qui y voit le signe d’un « traumatisme écologique ». Inventée au XIXe siècle, cette formule de « mal du siècle » est-elle pertinente pour parler du monde d’aujourd’hui ?

 

  • Si c’est à l’écrivain Paul-Louis Courier, dans Pétition pour des villageois que l’on empêche de danser (1822), que l’on doit sans doute la paternité de l’expression « mal du siècle », celle-ci trouve sa plus célèbre évocation dans les Confessions d’un enfant du siècle (1836) d’Alfred de Musset. « Un sentiment de malaise inexprimable commença alors à fermenter dans tous les cœurs jeunes. […] Il n’en était pas un qui, en entrant chez lui, ne sentît amèrement le vide de son existence et la pauvreté de ses mains », écrit le romantique. À quoi tient donc cette étrange mélancolie que frappe la jeunesse de l’époque ? Musset y voit la conjonction indissociable de trois facteurs : 

« Trois éléments partageaient donc la vie qui s’offrait alors aux jeunes gens : derrière eux un passé à jamais détruit, s’agitant encore sur ses ruines, avec tous les fossiles des siècles de l’absolutisme ; devant eux l’aurore d’un immense horizon, les premières clartés de l’avenir ; et entre ces deux mondes… quelque chose de semblable à l’Océan qui sépare le vieux continent de la jeune Amérique, je ne sais quoi de vague et de flottant, une mer houleuse et pleine de naufrages, traversée de temps en temps par quelque blanche voile lointaine ou par quelque navire soufflant une lourde vapeur ; le siècle présent, en un mot, qui sépare le passé de l’avenir, qui n’est ni l’un ni l’autre et qui ressemble à tous deux à la fois, et où l’on ne sait, à chaque pas qu’on fait, si l’on marche sur une semence ou sur un débris. »

  • Il faut replacer les mots de l’écrivain dans leur contexte : Musset écrit après la Révolution française et après l’Empire napoléonien, qui ont vu s’écrouler, partout en Europe, les structures politiques et sociales des siècles passés. L’avenir s’est ouvert mais il est devenu, ce faisant, radicalement incertain. Sans repères, dépouillée du luxe de pouvoir, à la différence de leurs aînés, se complaire dans la nostalgie du passé sans trop se préoccuper de l’avenir, la jeunesse dérive sans savoir vers où, sans savoir quoi faire. Les idéaux directeurs, l’enthousiasme et l’espoir qui guidaient les grands moments révolutionnaires ont déserté le monde et laissé place à « l’ennui » et à l’indétermination. « Ce fut comme une dénégation de toutes choses du ciel et de la terre, qu’on peut nommer désenchantement, ou, si l’on veut désespérance ; comme si l’humanité en léthargie avait été crue morte par ceux qui lui tâtaient le pouls. »
  • Sommes-nous dans une situation semblable aujourd’hui ? En apparence, pas vraiment. Nous ne vivons pas dans le sillage d’une révolution aussi radicale que celle qui a changer la face du monde entier au tournant du XVIIIe siècle. Et pourtant, de manière moins éclatante, notre monde dysfonctionne. Nous le ressentons de manière souterraine. Qu’il s’agisse des inégalités croissantes, des crises sanitaires comme celle que nous avons vécu récemment, et surtout du dérèglement climatique, les vieilles logiques, les cadres de pensées qui ont façonné notre monde pendant les décennies d’après-guerre paraissent rouillées, enrayées, rongés par des problèmes de fond, dont la pandémie a pu constituer le révélateur. Quelque chose se dérobe sous nos pieds, si l’on y prête attention. « Les personnes éco-anxieuses sont lucides dans un monde qui ne l’est pas », notait la médecin Alice Desbiolles. De la lucidité à la mélancolie des romantiques, il n’y a qu’un pas. 
  • Si Musset évoquait l’ébranlement des repères au passé, ce vacillement nous est contemporain. Nous éprouvons, en quelque sorte, la nécessité de préparer ou même de hâter dès aujourd’hui le moment où notre ancien monde cessera, définitivement, de fonctionner. L’avenir lui-même, dans ces conditions, est frappé d’une profonde indétermination – une autre dimension essentielle du « mal du siècle ». Certains parlent d’effondrement, de catastrophe, d’apocalypse. Cet avenir n’est pas certain, pourtant. Il dépend en grande partie de ce que seront nos choix aujourd’hui. Mais, face à l’ampleur des problèmes qui se présentent à nous, nos choix sont à leur tour marqués du sceau de l’incertitude tant sont nombreuses les variables impondérables dont ils dépendent. Nous ressentons la nécessité d’agir pour aider le monde de demain à naître, mais nous ne savons pas exactement comment. La jeunesse – on le voit aujourd’hui dans les mobilisations écologiques – est particulièrement sensible par ce « je ne sais quoi de vague et de flottant » qui constitue notre présent.

 

Si elle s’en distingue par certains points évidents, le malaise contemporain de la jeunesse n’est pas sans rapport avec le mal du siècle dont Musset faisait l’autopsie. Une différence essentielle, toutefois : eco-anxiété, solastalgie… les affects sombres de la crise environnementale mondiale gagnent du terrains ; mais ce mal-être s’accompagne, dans bien des cas, d’une volonté d’engagement plutôt que d’un abandon aux eaux de « l’affreuse mer de l’action sans but ». Une bonne raison d’espérer ? 

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