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Le livre du jour

“La Société de vigilance”, de Vanessa Codaccioni

Nicolas Gastineau publié le 15 janvier 2021 3 min

Bienvenue dans la société de vigilance. Googlisation de chaque personne rencontrée, voyeurisme en ligne, vigilance contre « les signes de radicalisation », sousveillance de la police, vigilantisme (« groupe d’auto-justice »)… Autant de pratiques bien différentes mais qui procèdent, d’après la chercheuse en sciences politiques et maîtresse de conférences à l’université Paris-8 Vanessa Codaccioni d’un même nouvel esprit : celui qu’elle décrit dans son essai qui vient de paraître La Société de vigilance (Textuel, 158 p., 15,90 €). 

« Une société de vigilance. Voilà ce qu’il nous revient de bâtir », affirmait Emmanuel Macron le 8 octobre 2020, lors de l’hommage national aux quatre fonctionnaires assassinés cinq jours auparavant à la préfecture de police de Paris. La vigilance pose pourtant deux problèmes :

  • D’abord, être vigilant implique une attention de tous les instants pour éviter un danger supposé : c’est un état de mobilisation permanente du corps et de l’esprit. 
  • Ensuite, quand l’État encourage la vigilance, il tend à se décharger sur les citoyens de sa mission de sécurité. 

Ce que Codaccioni nomme d’une expression savoureuse, moitié martiale moitié « start-up » : « la répression participative ». Mais qui risque, selon elle, de tourner à… « l’enrôlement généralisé ». 

De tous les lieux et de tous les instants

Étymologiquement, le mot « vigilance » est issu du latin vigilantia qui signifie aussi bien l’état attentif d’une personne que le fait de rester éveillé toute la nuit. Dans la France du XIVe siècle, il était synonyme d’insomnie. Ce détour par l’origine du mot nous renseigne sur le dangereuse promesse de la « société de vigilance » : celle d’un monde sans repos, où le devoir de sécurité oblige à une veille permanente. 

Et le phénomène se multiplie : signalement en ligne sur les réseaux sociaux, plateformes gouvernementales comme PHAROS, collectifs de « Voisins vigilants » qui dénoncent à l’échelle de leur village des comportements suspects pour lutter contre la criminalité, etc. Cette mobilisation de chaque instant, rendue possible par les technologies numériques, correspond, pour Vanessa Codaccioni, à « une extension continue de la notion de dangerosité » du monde. 

Face à ces dangers réels ou fantasmés, le risque est d’« opposer les “bons” et les “mauvais” citoyens » selon leur niveau manifeste de vigilance. Ainsi, dans le cadre de la lutte antiterroriste, le Danemark a menacé de retirer leur allocation à des familles dont un membre était sous le coup d'une enquête si elles « refus[ai]ent de répondre aux préoccupations en matière de radicalisation ». Dans ce cadre, les parents deviennent des « agents répressifs ». Et les citoyens doivent se disculper par avance de la suspicion qui pèse sur eux en en démontrant leur vigilance active.

Délégation de pouvoir

Le concept de vigilance est relativement neuf en philosophie politique : il procède plus d’une éthique individuelle (chacun doit être vigilant) que d’un enjeu collectif (l’État quant à lui surveille). C’est le sens du glissement qu’analyse Vanessa Codaccioni : une forme de prolongement de la surveillance étatique en surveillance “latérale”. Ceci conduit la chercheuse à reprendre la théorie de l'État du philosophe marxiste Louis Althusser, qui distingue un appareil répressif (armée, police, tribunaux, prisons…) « qui fonctionne à la violence », d’un appareil idéologique (école, église, famille, médias…) pourvoyeur de normes sociales. « Dans les sociétés de sécurité contemporaines, écrit Codaccioni, cette distinction entre les institutions qui répriment d’un côté, et celles qui soignent, assistent, aident, éduquent, apprennent etc. tend à s’effacer progressivement, dans un long processus d’association de toutes les institutions et de leurs membres aux efforts de sécurisation. » Sous la plume de Codaccioni, ce mouvement devient alors celui de « l’extension continue de l’appareil répressif de l’État ». 

Vertus de la vigilance

On objectera à cette thèse stimulante le fait que la vigilance ne procède pas toujours de l’extension de l’appareil de l'État, elle est aussi un moyen d’en contrôler les excès – il est ainsi de la surveillance des violences policières par les citoyens ou des lanceurs d’alerte. Leur vigilance n’est pas le signe d’un « enrôlement généralisé » mais l’expression d’une mission démocratique vitale : ne pas laisser le champ libre à l’État, exercer le contre-pouvoir. De plus, des initiatives comme celles des colleuses d’affiches contre les féminicides ou des groupes de soutien aux personnes sans domicile fixe, atteste une autre vertu de la vigilance : la solidarité. En somme, la vigilance est un défi démocratique : elle doit s’exercer sur les bonnes cibles.

 

La Société de vigilance. Auto-surveillance, délation et haines sécuritaires, de Vanessa Codaccioni vient de paraître dans la collection « Petite Encyclopédie critique » aux Éditions Textuel. Il est disponible sur le site de l’éditeur ainsi que chez votre libraire.

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