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La Taupe avec Gary Oldman, de Tomas Alfredson © Studio Canal

Les arts. Cinéma

La Taupe : esthétique de l’espionnage

Peter Szendy, propos recueillis par Peter Szendy publié le 19 juillet 2012 8 min

En adaptant un livre du romancier John le Carré, le réalisateur Tomas Alfredson construit une réflexion passionnante sur le monde des agents, le son et l’image rendant palpables la paranoïa et le flou moral inhérents à ce type d’activité. Le philosophe Peter Szendy en dévoile les secrets.

Londres, 1973. Au sommet du Cirque, siège des services secrets anglais, s’est logée une taupe. Avant de mourir, Control (John Hurt), patron du MI6, soupçonnait cinq de ses plus proches collaborateurs. À chacun, il a attribué un nom de code : « Tinker, Tailor, Soldier, Spy », ritournelle anglaise qui donne au film son titre original. Le cinquième, Smiley, est un ex-bras droit de Control incarné par Gary Oldman, remarquable dans ce rôle. Ce retraité du Cirque mène secrètement l’enquête sur les traces de l’agent double, à la botte des Soviétiques. Armé d’une solide paire de lunettes et d’une placidité à toute épreuve, Smiley plonge dans les galeries méandreuses d’une intrigue complexe. Il découvre, par-delà les blocs Est et Ouest, un ensemble de relations humaines traversé par la guerre froide, où loyauté, amitié et amour n’ont pas la valeur qu’on leur prête, où une infinie réversibilité des valeurs mine chaque conviction. La guerre froide n’a pas de front localisable, elle imprègne tout.

Adaptée d’un roman de John le Carré, ancien espion lui-même, l’intrigue gagne dans la magistrale réalisation de Tomas Alfredson une souplesse et un rythme qui propulsent le film au rang des modèles d’histoires d’espionnage. Porté par Colin Firth, Tom Hardy et Benedict Cumberbatch, La Taupe, sélectionné à la Mostra de Venise 2011, joue sur des motifs visuels et sonores subtils, que le spectateur-espion recompose, à la quête du secret.

Le philosophe Peter Szendy, auteur d’une esthétique de l’espionnage inspirée, livre sa vision du film, nourrie d’une réflexion sur le fantasme d’écoute. Ouvrons nos grandes oreilles.

 

La Taupe, d'après John le Carré
Réalisation : Tomas Alfredson
Avec : Gary Oldman, Colin Firth, Tom Hardy, John Hurt, Toby Jones, Mark Strong, Benedict Cumberbatch, Ciarán Hinds…
Sortie le 8 février 2012 en salles

 

La guerre froide, essence de l'espionnage

« La Taupe révise l’image de la guerre froide. Contrairement à ce que relaient les livres d’histoire, la guerre froide ne recouvre pas tant une franche opposition entre deux blocs et deux régimes, symbolisée par un rideau de fer infranchissable. Les frontières de la guerre froide traversent subrepticement tous les rapports humains, amicaux et érotiques. Le film ne manifeste donc jamais la dramatisation d’une frontière localisable entre l’Est et l’Ouest. Londres même devient un espace neutre ; l’action est souvent décentrée en banlieue. La présence de l’Union soviétique ne survient d’ailleurs presque jamais explicitement, sinon une fois, et encore, sous la forme du masque : lors d’une fête, dans l’enceinte du Cirque, un de ses membres endosse un costume de Père Noël, le visage grimé en Lénine… Le film décrit ainsi une dissolution du réel, il brouille les certitudes. Dès les premières images, Control, le patron du Cirque, lance à Smiley : “Nothing is genuine” (“Plus rien n’est certain”). Peu après, Smiley se rend chez une ex-collègue des archives pour s’informer. Ils échangent. Nostalgique, elle souffle : “C’était mieux avant… — Oui mais c’était la guerre, répond calmement Smiley. — La vraie guerre !” rétorque-t-elle aussitôt. Le juriste et philosophe allemand Carl Schmitt, dans un article intitulé “L’Ordre du monde après la Seconde Guerre mondiale”, qualifie la guerre froide de “status mixtus”, d’état mixte, pour reprendre un ancien terme de la théorie politique désignant l’état d’incertitude entre guerre et paix. Le monde d’alors, dans une tension permanente mais latente, n’est régi par une logique binaire qu’en apparence. L’ordre juridique gouverne une situation “pourrie”, où les normes ne se rapportent plus ni au droit de la paix, ni à celui de la guerre, mais à un état intermédiaire, trouble, qui est le terreau de l’espionnage. Carl Schmitt va plus loin. Il déclare que, de la guerre froide, il y en a toujours eu. Ce que l’on prétend circonscrire à une période, que l’on dit finie mais qui pourrait bien plutôt être généralisée, ne constitue pas un moment historique distinct. Aussi le regain d’intérêt pour la guerre froide au cinéma aujourd’hui s’explique-t-il. Nous vivons en effet une guerre économique qui, par sa complexité et son ampleur, n’est pas localisable. La guerre économique n’a pas de front. En ce sens, c’est aussi une guerre froide. »

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Article issu du magazine n°56 janvier 2012 Lire en ligne
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