Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

(cc) Unsplash / Inspiration de

La valeur “refuge”

Michel Eltchaninoff publié le 16 février 2017 11 min

Alors que l’époque paraît souvent hostile, la tentation est grande d’investir massivement le “chez-soi”. Repli frileux ou appui salutaire pour mieux s’aventurer au dehors ? Enquête entre quatre murs.

Quelle métamorphose ! Nous avons vécu durant plus d’un siècle sur le rejet du petit monde de la maison, considéré comme étouffant, aliénant, insupportable. À la fin du XIXe siècle, nous ne rêvions que de le fuir pour pouvoir respirer à pleins poumons l’air de la liberté et, comme Rimbaud, aller « loin, bien loin, heureux comme un bohémien / Par la nature, heureux comme avec une femme » (« Sensation »). André Gide, dans Les Nourritures terrestres, clamait sa colère : « Familles, je vous hais ! foyers clos ; portes refermées ; possessions jalouses du bonheur. » Considéré comme conformiste, bourgeois, consanguin, ennuyeux, le chez-soi est longtemps resté un repoussoir. En 1998, dans le film Festen, le réalisateur Thomas Vinterberg raconte une réunion de famille cauchemardesque, au Danemark, qui révèle la médiocrité, le conformisme, le poids des violences et des secrets. Mais, aujourd’hui, c’est une tout autre image que nous renvoie ce pays. On ne compte plus les livres, en anglais et en français, sur le concept de hygge (prononcer « hu-gueu »), qui exprime… l’idée inverse. Ce mot, qui traduit le bien-être lorsqu’on reste chez soi, figurait sur la liste des « mots de l’année » du dictionnaire Oxford. Autant Vinterberg critique l’enfermement entre les murs glauques du foyer familial, autant « la méthode du bonheur danoise » y voit l’apogée de la vie humaine.

Alors qu’il fait froid dehors, le hygge promeut la quiétude domestique. Il suffit de quelques bougies parfumées, d’un bon plaid, d’une tasse de tisane brûlante, de sa famille et de quelques amis choisis. Le feu de cheminée est en option. Cette notion tire son origine de l’œuvre de celui que les Danois considèrent comme l’un des pères fondateurs du renouveau culturel de leur nation, le pasteur Nikolai F. S. Grundtvig (1783-1872). Constatant que le Danemark ne pourrait plus être une grande puissance régionale, il a encouragé ses compatriotes à se replier sur leur bonheur privé. Promoteur des écoles populaires et du folklore national, des cantiques et de la vie communautaire, cet ennemi de l’individualiste torturé qu’était le philosophe Søren Kierkegaard est l’un des créateurs de la mythologie du bonheur domestique danois – dont l’exclusion des étrangers constitue le corollaire. Aujourd’hui, le Danemark, régulièrement classé par l’ONU comme l’un des pays au monde où l’on est le plus heureux, passe pour un modèle à suivre. Mais que s’est-il donc passé pour que le désir de rentrer ou de rester chez soi devienne l’une des options les plus prisées pour aller bien dans un monde qui va mal ? Essayons d’y voir plus clair.

 

Un lieu de sécurité… face aux menaces extérieures

L’explication la plus simple de ce retour au bercail, c’est l’écrasante victoire de l’individualisme dans un monde considéré comme hostile et sans perspective d’action collective. Aimer aménager son foyer est le signe d’une époque qui s’est repliée hors du politique. C’est ce qu’exprime à sa manière Peter Sloterdijk : « l’aménagement de lieux de l’être-chez-soi abouti constitue […] une mesure préventive » (Sphères, III. Écumes, Maren Sell, 2005). Pour le philosophe allemand, nous considérons en effet l’habitat comme un « système immunitaire spatial », « une mesure de défense qui permet de délimiter une zone de bien-être contre les envahisseurs et autres porteurs de mal-être ». Le mot d’ordre de notre époque ? « Aménage ton chez-toi, seul ou avec un petit nombre d’autres. » Quand le monde va mal, la tentation est grande de développer un certain hédonisme privé. L’appartement est synonyme de sécurité par rapport à la rue angoissante et au monde en crise, mais aussi de bien-être, de chaleur, de monde rien qu’à soi et aux proches.

Expresso : les parcours interactifs
Comment apprivoiser un texte philosophique ?
Un texte philosophique ne s’analyse pas comme un document d’histoire-géo ou un texte littéraire. Découvrez une méthode imparable pour éviter le hors-sujet en commentaire ! 
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
3 min
Mission impensable / Jan Patočka
Nicolas Tenaillon 02 décembre 2015

Pour le philosophe tchèque Jan Patočka (1907-1977), il est trompeur de partir de soi et de l’endroit où l’on se trouve pour penser le monde qui s’étale devant nous. Mais sur quoi alors fonder notre expérience de l’espace ?


Article
9 min
Peter Sloterdijk. Invente-toi ton héritage
Philippe Nassif 30 novembre 2016

Il y a cinq ans, il nous avait invités à sculpter notre quotidien pour devenir nous-mêmes dans Tu dois changer ta vie. Avec son dernier livre,…

Peter Sloterdijk. Invente-toi ton héritage

Entretien
12 min
Peter Sloterdijk : “Il faut être déchiré par quelque chose qui nous dépasse pour penser”
Nicolas Truong 24 janvier 2007

Peter Sloterdijk porte sur notre époque un regard décalé, au risque de la digression, de l’exagération. Son œuvre, aussi polémique que brillante, l’a placé sur le devant de la scène. Un succès mérité pour cet excentrique, selon lequel…


Article
6 min
Peter Sloterdijk : “Dans le passé, vous priiez ; aujourd’hui, vous avez votre téléphone portable”
Svenja Flaßpöhler 13 janvier 2021

Le téléphone portable est le symbole de notre époque, selon le philosophe allemand Peter Sloterdijk, qui a livré une analyse en ce sens…

Peter Sloterdijk : “Dans le passé, vous priiez ; aujourd’hui, vous avez votre téléphone portable”

Entretien
11 min
Peter Sloterdijk : la Raison est fatiguée
Philippe Garnier 05 novembre 2023

Peter Sloterdijk est le plus nietzschéen (et le plus francophile) des philosophes allemands. Comme l’auteur des Considérations inactuelles, il analyse comment et pourquoi le rationnel a cessé d’enchanter notre monde.    …


Article
1 min
Michel Eltchaninoff lauréat 2015 du prix de La Revue des Deux Mondes
21 mai 2015

Notre collaborateur Michel Eltchaninoff a reçu, ce mercredi 20 mai 2015, le prix de l'Essai décerné par “La Revue des Deux Mondes” pour son…

Michel Eltchaninoff lauréat 2015 du prix de La Revue des Deux Mondes

Le fil
3 min
“Réinventer l’amour”, de Mona Chollet : comment sauver le couple hétéro ?
Victorine de Oliveira 14 septembre 2021

Est-il encore possible, lorsque l’on est une femme et une féministe convaincue, d’être en couple avec un homme ? Entre charge mentale domestique,…

“Réinventer l’amour”, de Mona Chollet : comment sauver le couple hétéro ?

Le fil
6 min
“Il lit Mona Chollet mais jamais il ferme sa gueule” : que veut dire cette pancarte féministe ?
Clara Degiovanni 07 décembre 2023

Ce slogan, brandi sur une pancarte à l’occasion de la dernière manifestation féministe du 25 novembre, a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux. Il dénonce l…

“Il lit Mona Chollet mais jamais il ferme sa gueule” : que veut dire cette pancarte féministe ?

Article issu du magazine n°107 mars 2017 Lire en ligne
À Lire aussi
Aux valeurs !
Par Yves Michaud
juillet 2012
Jean-Claude Kaufmann. « La télévision impose une normalité »
Par Martin Duru
août 2012
Jan Patocka : le dissident
Par Martin Duru
septembre 2012
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. La valeur “refuge”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse