L’animal, hors de la loi

Jean-Yves Goffi publié le 4 min

Les mauvais traitements que nous infligeons aux animaux doivent-ils être sanctionnés par la loi ? Pour Thomas Regan, philosophe américain aux thèses discutées dans le monde anglo-saxon, nous avons des obligations morales envers tout mammifère âgé d’un an et plus.

Seules les personnes et les choses sont reconnues en droit français : l’animal n’étant pas une personne, il est une chose et, plus précisément, un bien meuble. On reconnaît de plus en plus que son statut d’être vivant doué de sensibilité s’accommode mal de ce régime, mais l’inscription de cette reconnaissance dans le droit est loin d’être acquise. Vouloir conférer des droits aux animaux semble le comble de l’absurdité tant il semble évident que nous ne formons pas de société juridique avec eux. Ne parlons-nous pas de loi de la jungle pour désigner une compétition brutale et meurtrière, qu’aucune règle de droit ne vient modérer ou humaniser ?

Certains philosophes contemporains ont relevé le défi, comme l’Américain Thomas Regan. Au même titre que Peter Singer, partisan utilitariste de la libération animale, il défend l’existence de droits de l’animal, sans pour autant faire des bêtes des sujets de droit. Dans son livre The Case for Animal Rights (1984), il concède d’emblée que les animaux ne peuvent être que des patients moraux : s’ils ont des droits, ils n’ont aucun devoir. Leurs droits sont comparables à ceux qui justifient les protections particulières dont bénéficient, en droit français, les incapables juridiques et les enfants, par exemple. Thomas Regan contourne ainsi l’objection selon laquelle l’existence ou l’expression d’une volonté rationnelle sont seules constitutives de droits. Il ne propose pas de justifier l’attribution de droits juridiques, mais de détecter la présence de droits moraux. La distinction est d’origine stoïcienne : les droits juridiques sont inscrits dans le droit positif qui leur confère un caractère contraignant. Ils sont susceptibles de varier selon les temps et les lieux ; leur validité est conventionnelle. Les droits moraux sont censés découler de la nature même des choses : ils sont accessibles à l’inspection attentive de la droite raison. Ils n’ont donc pas besoin d’être inscrits dans le droit pour être reconnus. Au contraire, si tel ou tel système juridique particulier les méconnaît, c’est l’indice de sa perversité. Par conséquent, les droits moraux ont valeur de modèle pour les législateurs qui rédigent des systèmes juridiques.

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