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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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(cc) Joseph SARDIN / Flickr

Vers une évolution du statut juridique de l’animal ?

Cédric Enjalbert publié le 29 janvier 2015 5 min

[Actualisation : mercredi 28 janvier 2015, la commission des lois de l'Assemblée nationale confirme une disposition votée en avril 2014 reconnaissant aux animaux la qualité d'“êtres vivants doués de sensibilité”] Un manifeste signé par une vingtaine d'intellectuels appelait le 24 octobre 2013 au changement du statut juridique de l'animal, considérant sa capacité à ressentir.

 

« Pour une évolution du régime juridique de l’animal dans le code civil, reconnaissant sa nature d’être sensible ». C’est cet appel lancé jeudi 24 octobre 2013 par la Fondation 30 Millions d’amis qu’une vingtaine d’intellectuels français, dont plusieurs philosophes, a signé.

Parmi eux, Alain Finkielkraut, Edgar Morin ou André Comte-Sponville, mais aussi et surtout Élisabeth de Fontenay, auteur du Silence des bêtes (Fayard, 2008; rééd. poche Points, Seuil, 2013)– elle déconstruit dans ce grand livre les discours affirmant un « propre de l’homme » pour mieux « rabaisser » les animaux –, et Florence Burgat qui a écrit Liberté et inquiétude de la vie animale (Kimé, 2006).

L’éthologue Boris Cyrulnik , co-auteur avec Élisabteh de Fontenay et Peter Singer de Les Animaux aussi ont des droits (Seuil, 2013), s’ajoute au nombre des signataires prestigieux de ce manifeste. Ce document rappelle qu’en vertu de l’article 528 du Code civil de 1804, les animaux demeurent aujourd’hui considérés comme des biens meubles... Une aberration éthique et juridique selon eux.

 

L'animal participe du monde
Pour Élisabeth de Fontenay, « il y a chez l’animal, même le plus rudimentaire, une intentionnalité corrélative de monde. Rappelez-vous Merleau-Ponty dans son cours sur la nature : “On voit le protoplasme bouger, une matière vivante qui bouge, à droite la tête de l’animal, à gauche la queue. À partir de ce moment, l’avenir vient au-devant du présent. Un champ d’espace-temps a été ouvert : il y a là une bête.” La grande découverte de la phénoménologie, et que l’éthologie ne cesse de vérifier, c’est que l’animal est un psychisme, une intériorité, jusqu’à un certain point une spontanéité. Hans Jonas va jusqu’à écrire que le métabolisme est comme une première manifestation de la liberté. Hegel, comme l’a montré Florence Burgat dans Liberté et inquiétude de la vie animale, avait déjà pensé l’animalité en ces termes. Et avant lui, Leibniz, qui ne voyait dans l’échelle des êtres que des différences de degré de sommeil ou de veille. »

 

Pourtant, pas d’ambiguïté dans l'appel. Pour les auteurs du manifeste, la question est tranchée (depuis Jeremy Bentham et sa réflexion sur la souffrance animale, en l’occurence) : la question n’est pas de savoir si les animaux peuvent raisonner ou s’ils peuvent parler, mais bien : peuvent-il souffrir ?

« Ce n’est pas la proclamation d’une dignité métaphysique, mais certains attributs – capacité à ressentir le plaisir et la douleur notamment – que les humains partagent avec au moins tous les vertébrés, qui enracinent les droits les plus fondamentaux » poursuivent ces défenseurs du droits des animaux. Ils revendiquent à ce titre la création d’une catégorie juridique intermédiaire protectrice, entre le « bien » et la « personne »: l’animal.

 

« Tous les êtres sensibles ont les mêmes droits »
Le philosophe australien Peter Singer propose: « d’étendre le principe de considération égale des intérêts des personnes, principe qui seul représente le véritable fondement de l’égalité, à notre espèce bien sûr, mais aussi à l’ensemble des êtres sensibles. En deuxième lieu, j’entends condamner cette exploitation abusive des espèces animales que j’appelle “spécisme ”, c’est-à-dire le fait de ne pas prendre en compte les intérêts des êtres qui n’appartiennent pas à notre espèce. Enfin, de façon moins théorique et plus concrète, j’avance, à partir du principe de considération égale des intérêts des êtres et du rejet du spécisme, des recommandations pour changer le rapport des hommes aux animaux, tout particulièrement en ce qui concerne la recherche et l’élevage industriel. »

`

N'est-il pas absurde de vouloir conférer des droits aux animaux qui ne semblent participer en rien de notre société juridique ? Non, il est même légitime de leur accorder un droit moral selon le philosophe américain, Tom Regan. Ce dernier défend l’existence de droits de l’animal sans  faire des bêtes des sujets de droit. Il écrit dans Les Droits des animaux (Hermann, 2013) qu'ils possèdent une « valeur inhérente » en tant que « sujets-d’une-vie » et qu'ils ont un « droit moral fondamental à un traitement respectueux ». En revanche, ces animaux ne peuvent être que des patients moraux : s’ils ont des droits, ils n’ont aucun devoir. Le professeur de bioéthique Jean-Yves Goffi commente: « Leurs droits sont comparables à ceux qui justifient les protections particulières dont bénéficient, en droit français, les incapables juridiques et les enfants, par exemple. Tom Regan contourne ainsi l’objection selon laquelle l’existence ou l’expression d’une volonté rationnelle sont seules constitutives de droits. Il ne propose pas de justifier l’attribution de droits juridiques, mais de détecter la présence de droits moraux. »

 

Tous végétariens?
Le végétarien Peter Singer se projette dans l'avenir : « Si la société en venait, petit à petit, à reconnaître des droits aux animaux, cela conduirait à des changements drastiques. Certaines personnes continueraient à consommer de la viande d’élevage, des œufs et des produits laitiers, à condition que les animaux aient eu de bonnes conditions de vie, en extérieur, dans des groupes sociaux de taille compatible avec leur espèce particulière. Mais cela ne serait probablement qu’une étape : face à la diminution de la demande de produits animaux, l’industrie de la viande serait contrainte d’élever moins de volailles, de cochons et de bétail. À terme, il ne resterait plus que des petits troupeaux, qui seraient préservés pour montrer à nos petits-enfants ce à quoi ressemblaient ces animaux autrefois si abondants. Les industries fermières produisant du lait, des œufs et de la viande disparaîtraient à leur tour. Et pour ceux qui voudraient continuer à consommer de la viande, il faudrait compter sur les scientifiques, qui tentent de faire croître de la viande artificielle en cuve. Lorsqu’ils y parviendront, il ne s’agira pas d’un succédané, mais d’une viande authentique, issue de cellules animales, et probablement impossible à distinguer, au goût, de la viande que nous consommons à l’heure actuelle. Sauf qu’il n’y aura plus aucune objection éthique à cette consommation, puisque nul animal n’aura eu à souffrir ni à être abattu lors de ce processus. »

 

Allons plus loin: juridiquement, la création de cette catégorie intermédiaire entre le bien et la personne aurait-elle cependant un sens ? Oui. Élisabeth de Fontenay rappelle que dans « dans l’évolution du droit français contemporain, on doit distinguer entre sujet de droit et personnalité juridique. La personnalisation en droit n’a rien à voir avec une anthropomorphisation ; elle ne menace donc pas la dignité de l’homme. L’octroi à l’animal de la qualité de sujet de droit aboutit seulement à la mise en place, à un moment donné, d’une technique juridique adaptée à la protection, jugée nécessaire, de l’intérêt de certaines bêtes mais n’entraîne aucunement la banalisation des droits de l’homme, car la notion de “personnalité juridique”, qui ne se confond pas avec celle de “sujet de droit”, ne tend pas à annuler la frontière entre l’humanité et l’animalité. »

 

Pour aller plus loin
Le grand entretien avec Élisabeth de Fontenay: « J’ai fait mon chemin avec et contre la rationalité occidentale »
Élisabeth de Fontenay à propos de Lucrèce: «Une communauté de destin entre les hommes et les bêtes»
L'essai de prospective de Peter Singer: Et si… les animaux avaient des droits ?
Le grand entretien avec Peter Singer: « Tous les êtres sensibles ont les mêmes droits »
L’animal, hors de la loi, à propos de Tom Regan
Le dossier « Homme et animal, la frontière disparaît »
Le dialogue entre Étienne Bimbenet et Joëlle Proust: Si c’est une bête
Les animaux ont-ils un visage ? par Vinciane Despret
 
La chronique du livre Les animaux aussi ont des droits
La chronique de Les Droits des animaux de Tom Regan
La chronique de Nous, animaux et humains de Tristan Garcia
La chronique de Que diraient les animaux si... on leur posait les bonnes questions ? de Vinciane Despret

 

 

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