L’Empire contre les cosaques
La guerre entre la Russie et l’Ukraine met en lumière deux conceptions très différentes du courage. D’un côté, une vertu sacrificielle, disciplinée, hantée par la mort et la figure de l’État. De l’autre, une force vitale populaire et libertaire, ancrée dans la culture ukrainienne, des cosaques aux anarchistes.
Pourquoi Vladimir Poutine a-t-il lancé son pays dans la guerre ? Parce qu’il était certain de la gagner, non seulement grâce à sa supériorité militaire supposée, mais aussi au nom d’une particularité de ce qu’il appelle l’« homme russe ». En avril 2014, il affirmait que, contrairement à l’homme occidental qui cherche d’abord le succès personnel, l’« homme du monde russe » vise des « valeurs morales supérieures ». Il assure que c’est sa faculté de mettre son existence en jeu pour de grands principes qui le rend si différent d’un Européen, d’un Asiatique ou d’un Américain. À l’appui de sa démonstration, il cite ce proverbe populaire : « pour la communauté, même la mort est belle ». C’est cette mentalité qui explique « l’héroïsme de masse pendant les conflits militaires ». Poutine est convaincu que les Occidentaux, engoncés dans la paix et le désir de consommation, sont incapables de risquer leur vie pour une idée ou la patrie. Il a donc décidé de mener sa grande guerre de civilisation, sûr de ne rencontrer aucune résistance réelle. Qui est prêt, dans le monde occidental, à mourir pour Kiev ? Ce qu’il avait mal anticipé, en revanche, c’est la résistance des Ukrainiens. Il était persuadé que ces derniers, au moins sur la rive gauche du Dniepr, accueilleraient l’armée russe en puissance libératrice. Tout à son fantasme d’un peuple ukrainien incapable de se gouverner de manière autonome et dirigé par les marionnettes néonazies des puissances occidentales, il était convaincu que l’héroïsme des soldats russes suffirait à lui faire facilement gagner la guerre. Or, dès les premiers jours du conflit, alors que les tanks russes avançaient lentement dans la campagne ukrainienne, on a vu des civils, parfois de vieilles femmes, verser du sucre dans les réservoirs pour bloquer les blindés. Le courage martial a rencontré un autre type de courage. Mais lequel ?
Faites-vous primer le désir comme Spinoza, la joie à l'instar de Platon, la liberté sur les pas de Beauvoir, ou la lucidité à l'image de Schopenhauer ? Cet Expresso vous permettra de le déterminer !
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