Les cueilleurs de champignons, derniers aventuriers de l’humanité ?
Comme chaque année, alors que l’automne s’installe, les cueilleurs de champignons sont de sortie. Mais quel est donc ce plaisir singulier qui les conduit, en dépit du temps maussade, sur les chemins forestiers en quête de cèpes et de bolets ? Réponse avec Tony Saccucci et Carmelo Chiarmonte, auteurs d’une Petite philosophie du champignon (Balland, 2013), mais aussi Anna L. Tsing et Peter Handke.
Pourquoi chercher ?
Qu’est-ce qui pousse le chercheur de champignons à s’enfoncer dans les bois pour débusquer pleurotes et autres giroles ? L’appât de la chose même, assurément, n’est pas étranger à l’affaire : les champignons sont des mets délicats, appréciés par beaucoup, laissés à disposition de tous par la nature pour peu qu’on se donne la peine de chercher. Mais la quête demeure incertaine, et l’on rentre parfois bredouille de l’entreprise. Le chercheur n’est jamais assuré de trouver le champignon là où il l’attendait. L’organisme fongique demeure rétif à la discipline. Mais le chercheur insiste, au risque même de subir la frustration d’un désir qui ne serait pas comblé. Pourquoi donc s’entête-t-il ? Ne vaudrait-il pas mieux, s’il s’agissait seulement de satisfaire une envie de champignons, se rendre dans un supermarché ou chez un primeur ? On en vient à se dire que peut-être, le chercheur ne cherche pas – ou pas seulement – pour trouver. Qu’il y a autre chose dans la quête sans garantie du champignon : une sorte de plaisir intrinsèque à la quête elle-même.
Comme le soulignent le philosophe Tony Saccucci et le chef Carmelo Chiaramonte dans leur Petite philosophie du champignon (2013), « chercher et cueillir sont deux actions bien distinctes, d’un point de vue logique mais aussi spirituel ». Du point de vue logique, d’abord : « L’on ne peut rien cueillir sans avoir au préalable trouvé, et il faut avoir cherché pour pouvoir trouver. La recherche est donc l’action qui précède toute chose. Cela peut sembler paradoxal, mais c’est ainsi : on ne cherche que du moment où l’on n’a encore rien trouvé. » Mais cet écart logique est indissociable d’une différence entre deux dispositions existentielles bien distinctes.
“L’acte de chercher implique une certaine tension psychique qui s’évanouit lorsqu’on trouve. […] Lorsque nous cherchons, notre énergie est concentrée sur le sol, sur les renfoncements cachés, sur chaque irrégularité microscopique du terrain. Nous sommes à l’affût de tout ce qui perturbe la courbe douce de la couche de feuilles ou du tapis vert clair de l’herbe printanière. Le regard, la concentration, le port de tête, la vitesse de nos pas, tout est régi par le même objectif. Notre esprit est attiré par quelque chose qui n’est pas encore là, mais qui ne devrait pas tarder à se manifester ; il est le jouet d’une présence absente. Et, lorsque cette présence se révèle, les énergies se dispersent, l’esprit est rassasié”
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