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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Seb Jarnot pour PM

Les délinquants juvéniles en 1580

publié le 21 février 2013 3 min

« Toutefois, […]mon opinion est qu’il faut toujours les acheminer aux choses les meilleures et les plus profitables et qu’on doit peu s’attacher à ces prévisions et pronostics superficiels que nous faisons d’après leurs façons de se comporter dans l’enfance. » Michel de Montaigne, Essais, I, 26, « De l’institution des enfants »

L’ancien secrétaire d’État à la Justice Jean-Marie Bockel aurait-il eu la très mauvaise idée de défendre (dans un rapport sur la prévention de la délinquance juvénile remis au président Sarkozy en novembre 2010) le principe d’un repérage précoce des troubles du comportement dès l’âge de 2 ou 3 ans s’il avait jeté un œil sur le chapitre que Montaigne consacre explicitement à la question éducative ? Rien n’est moins sûr… Car « on doit peu s’attacher à ces prévisions et pronostics superficiels que nous faisons d’après leurs façons de se comporter dans l’enfance 1 », déclare le philosophe contre Platon dont le modèle éducatif a le tort d’être uniquement attaché à perfectionner la « nature » de chacun.

En quoi de tels pronostics sont-ils « superficiels » aux yeux d’un hom­me qui se déclare lui-même trop ignorant pour instruire qui que ce soit ? Que feignent d’oublier les irresponsables qui défendent le principe d’un repérage précoce des troubles du comportement chez l’enfant ? Qu’à 3 ans, les jeux ne sont pas faits. Car, selon Montaigne (comme Rousseau croira le découvrir deux siècles plus tard), à la différence des autres animaux dont la nature est tenue en bride par des lois éternelles, l’homme est fondamentalement perfectible, c’est-à-dire susceptible, pour le meilleur ou le pire, de s’affranchir de toute détermination primitive : « Les petits des ours, des chiens, montrent leur inclination naturelle, rappelle-t-il ; mais les hommes, se jetant aussitôt dans des habitudes, dans des opinions, dans des règles, changent ou se déguisent facilement. » À la différence de l’animal qui, parfait, n’a pas d’histoire et vit aujourd’hui comme il vivait il y a dix mille ans, l’homme n’étant précisément rien de précis peut presque tout devenir. En rappelant qu’il n’existe aucune détermination que l’apprentissage ne puisse aider à surmonter et qu’un homme est susceptible de renaître à lui-même au gré de l’enseignement qu’il reçoit, Montaigne devance la philosophie des Lumières et prolonge la parole des renaissants, notamment Pic de la Mirandole qui, dans une prosopopée divine 2, résume à merveille l’indétermination humaine où l’idée de formation trouve sa raison d’être : « Si nous ne t’avons donné, Adam, ni une place déterminée, ni un aspect qui te soit propre, ni aucun don particulier, c’est afin que la place, l’aspect, les dons que toi-même aurais souhaités, tu les aies et les possèdes selon ton vœu, à ton idée… Tu pourras dégénérer en formes inférieures, qui sont bestiales ; tu pourras, par décision de ton esprit, te régénérer en formes supérieures, qui sont divines. »
 L’homme est un être inessentiel, superflu et indistinct, en qui, par conséquent, sommeille comme une chance ou une malédiction la possibilité redoutable et féconde de sortir de soi. Certes, en matière d’éducation, tout le monde n’est pas à la même enseigne car l’habitude crée la nature et « il est difficile, ajoute Montaigne, de vaincre les penchants naturels ». Pire : il arrive que « faute d’avoir bien choisi leur route, souvent on se fatigue inutilement et on emploie beaucoup de temps à diriger les enfants vers les choses où ils ne peuvent pas prendre pied ». Mais à l’inverse des déterministes aux yeux (myopes) de qui, pour le dire vite, un caprice à 3 ans devient un braquage à 30, la critique montaignienne de Platon montre que refuser de déduire l’avenir du présent et retarder autant que possible le moment de savoir ce qu’il en est de quelqu’un, c’est (parce qu’ainsi l’avenir demeure ouvert et le possible n’est pas soluble dans la prédiction) une manière d’approfondir l’expérience démocratique.

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Article issu du magazine n°67 janvier 2013 Lire en ligne
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