Les facettes du pouvoir

Juliette Cerf publié le 4 min

Olivier Razac s’intéresse à des objets originaux et variés, comme le fil barbelé, la télé-réalité, la santé ou le bracelet électronique pénitentiaire. Inspiré par l’œuvre de Michel Foucault, il repère et analyse les formes d’exercice du pouvoir aujourd’hui. Pour en tirer les conséquences éthiques et politiques.

Certains petits ouvrages ont le pouvoir de problématiser de grands objets. Histoire politique du barbelé, le premier livre d’Olivier Razac, est de ceux-là. En 2000, ce philosophe alors âgé de 27 ans a su faire émerger la puissance symbolique du fil barbelé à travers trois jalons historiques : la prairie américaine, la tranchée de la Grande Guerre et le camp de concentration nazi. « Outil de l’inscription spatiale des relations de pouvoir », la forme même du barbelé illustre sa fonction : « Il est un trait qui barre l’espace et évoque immédiatement la privation de liberté (comme le feraient des barreaux de prison). Mais il est, de plus, un trait hérissé, agressif, dont les pointes représentent les couteaux du pouvoir. Traits et pointes, barreaux et couteaux expriment directement la vocation violente et oppressive du barbelé. » À cette réflexion sur la délimitation de l’espace fait écho un article sur le GPS paru dans Fresh Théorie. L’auteur y éclaire ce désir contemporain de localiser et d’être localisé.

Comment ça marche ? Telle est la question que ne cesse de poser Olivier Razac. Fonctionnaliste, l’analyse des formes d’exercice du pouvoir et des effets de contrôle qu’elles produisent singularise la démarche de ce penseur qui a consacré son deuxième ouvrage à la télé-réalité entendue comme un spectacle zoologique (L’Écran et le Zoo. Spectacle et domestication, des expositions coloniales à Loft Story). Du zoo à la biopolitique (la vie comme enjeu du pouvoir), il n’y a qu’un pas. La Grande Santé, sa dernière publication issue de sa thèse, interroge différentes visions philosophiques de la santé qui dérangent, inquiètent, ses représentations strictement médicales. Ces pensées (Friedrich Nietzsche et Gilles Deleuze en tête) ont en commun d’établir une autre santé, créatrice et risquée, car ne vivant pas dans l’injonction de la conservation de soi et de l’obsession sanitaire : « La grande santé est purement affirmative. Sa nature n’est pas de s’opposer à des contraintes extérieures mais d’exercer sa puissance à partir d’elle-même. »

Expresso : les parcours interactifs
Kant et le devoir
Au quotidien, qu’est-ce que ça veut dire d’agir moralement ? Et est-ce que c’est difficile de faire son devoir ? Ces questions ne sont pas anecdotiques pour quelqu’un qui souhaite s’orienter dans l’existence. Et, coup de chance : Emmanuel Kant y a répondu. 
Sur le même sujet
Article
4 min
Olivier Razac

Pour protéger et surveiller les nouveaux-nés, une solution est proposée, qui ressemble à celle appliquée aux délinquants : le bracelet électronique. Olivier Razac avance quatre arguments pour combattre la peur et l’excès de toute…






Article
5 min
Clara Degiovanni

La Côte d’Azur, La Rochelle, Chamborigaud… Le nom d’une région, d’une ville ou d’un village, c’est déjà le début d’un voyage. Comment les noms de…

De quoi le toponyme est-il le nom ?

Article
2 min
Michael Walzer

Reprenant la conception pascalienne des « ordres », Michael Walzer défend une conception pluraliste de la justice. Il distingue dans la société des sphères de justice : politique, économie, famille, éducation, santé……


Article
5 min
Élisabeth Roudinesco

La psychanalyste Élisabeth Roudinesco dénonce la perversion de l’émission de téléréalité Kid Nation, aux États-Unis, rappelle ce qu’est la conception française de la filiation par rapport aux tests ADN en vue du regroupement familial,…