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© Alona Siniehina/iStockphoto

Société

Les femmes transgenres ont-elles leur place chez le gynécologue ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 25 septembre 2023 5 min

« Je suis gynécologue et je m’occupe de vraies femmes. Je n’ai aucune compétence pour m’occuper des hommes, même s’ils se sont rasé la barbe et viennent dire à ma secrétaire qu’ils sont devenus femmes » : ces propos, tenus sur internet par un gynécologue ayant refusé de recevoir une femme trans opérée, ont récemment suscité une vive polémique.


 

Les femmes trans ont-elles leur place chez le gynécologue ? Un constat d’abord : les spécialités médicales ne sont pas déterminées par une catégorie particulière de public à laquelle elles s’adresseraient, mais par un type particulier d’organes ou de systèmes, susceptibles de poser des problèmes particuliers de santé.

On objectera immédiatement deux cas : la pédiatrie et la gériatrie. Mais l’objection est au mieux partielle. Pédiatrie et gériatrie ne sont pas déterminés par un organe particulier ; mais ils sont déterminés par un état particulier commun à tous les corps – jeunesse ou vieillesse – qui posent des problèmes spécifiques. Ce n’est pas parce que l’enfant est considéré socialement comme un enfant qu’il va chez le pédiatre. C’est parce que son corps peut être sujet à différentes affections. Imaginons un individu qui ne vieillirait pas, qui demeurait physiologiquement au stade prépubère : sans doute finirait-il bien, grandissant, par être considéré comme un adulte ; ne continuerait-il pas, pourtant, à aller chez le pédiatre ? Peut-être préférerait-il aller chez un généraliste pour se sentir adulte. Mais il ne serait en tout cas pas absurde qu’il continue d’aller chez le pédiatre. L’identité du patient n’entre en ligne de compte qu’indirectement, dans la mesure où elle peut éclairer un diagnostic sur un problème spécifique.

Des organes sans identité sociale

La gynécologie – du grec γυνή (gunế), « femme » – semble constituer une exception. Le gynécologue s’occupe de la santé des femmes. Ce n’est qu’en partie vrai. Il ne s’occupe pas en général de la santé des femmes – de leur grippe, de leur hypertension, etc. : il prend en charge des problèmes corporels dont on dira qu’ils sont propres à la biologie féminine. Ces problèmes concernent principalement l’appareil génital féminin (ovaires, utérus, vagin, etc.), certains caractères sexuels secondaires (en particulier les seins) et, pour partie, le système hormonal. L’identité du patient n’a aucun intérêt pour le gynécologue : seule compte la présence de ces structures et systèmes physiologiques, du moins de certains de ces éléments.

Il paraît évident, de ce point de vue, qu’un homme transgenre non opéré, pourvu d’un appareil génital dit féminin, ait sa place chez le gynécologue. Qu’il se considère comme un homme, qu’il soit socialement et légalement reconnu comme un homme, n’entre pas en ligne de compte. Quid des femmes trans opérées, dont le cas a récemment suscité la polémique ? Il n’y a pas de réponse a priori à cette question, qui doit être reconduite à une autre : les structures physiologiques artificiellement créées lors des chirurgies de réassignation sexuelle sont-elles comparables aux structures physiologiques de la biologie féminine naturelle ? Et en particulier : sont-elles susceptibles de poser des problèmes analogues ?

La preuve par l’absurde

Cette question ne peut être posée dans le vide de l’idéologie. Elle suppose de porter attention à ces réalités corporelles concrètes. Le caractère artificiel desdits organes n’est en tous cas pas pertinent pour écarter d’emblée qu’il ne relève pas de la gynécologie. Prenons un autre exemple qui tend bien plutôt à montrer l’inverse : que penserait-on d’un gynécologue qui refuserait d’examiner une femme ayant bénéficié d’une reconstruction clitoridienne suite à une mutilation ? Ou d’une patiente ayant eu recours à une vaginoplastie partielle pour réparer les séquelles laissée par l’ablation de tumeurs ? Le cas de figure, sans doute, ne se présenterait pas, parce que la reconstruction serait perçue comme restauration d’un organe naturel. Cet organe n’en demeure pas moins façonné par la main humaine.

Que dire, alors, des organes modelés lors des chirurgies de réassignation ? Morphologiquement, un « néovagin » ressemble très fortement à un vagin naturel : il peut poser des problèmes d’irritation analogues à ceux des femmes cisgenres, notamment dans le cadre de la vie sexuelle. Les microbiomes présentent des différences, car le tissu pénien utilisé en général pour façonner le néovagin n’a pas les mêmes propriétés que le tissu vaginal.

Mais le néovagin est exposé à des perturbations similaires à celles du vagin naturel, comme la vaginose bactérienne. Si l’on se tourne vers le suivi mammaire, la proximité est encore plus grande : les seins d’individus cis et transgenres sous hormones sont quasi indiscernables (mais les femmes trans sont surexposées au risque de cancer du sein). La question hormonale, en général, si elle est plutôt de l’apanage de l’endocrinologue, relève du domaine de compétences du gynécologue. Quant aux questions d’information – contraception, maladies sexuellement transmissibles, etc. –, elles restent du ressort des gynécologues.

Vers une formation plus complète en gynécologie ?

Il ne s’agit pas, bien entendu, d’ignorer les différences entre les corps. Mais à vrai dire, les corps de femmes cisgenres eux-mêmes diffèrent parfois grandement : certaines sont nées sans utérus, d’autres ont dû subir une hystérectomie ou une ovariectomie... Du côté des femmes trans opérées, la vaginoplastie pose également des problèmes de santé spécifiques, qui exigent souvent plus qu’un simple suivi gynécologique (de préférence un suivi par le chirurgien ayant réalisé l’opération, quoique ceux-ci, surchargés, soient en général peu disponibles pour un suivi régulier) : risques de nécrose, de fistule, etc.

Mais l’enjeu est ailleurs. Certains problèmes de santé caractéristiques sont-ils, au mieux, pris en charge dans le cadre d’un rendez-vous gynécologique ? Le gynécologue est-il la personne la mieux indiquée dans une situation sociale donnée pour prendre en charge certains aspects de la santé des femmes trans ? Oui, si l’on se réfère aux recommandations des nombreux collèges de gynécologie, au Royaume-Uni, aux États-Unis, etc. Que la prise en charge des individus transgenres exige, de la part de ces professionnels de santé, des adaptations : assurément. Mais le devoir de formation fait partie de l’éthique médicale. Car il est inscrit à l’article R.4127-11 du Code de déontologie médicale : « Tout médecin entretient et perfectionne ses connaissances dans le respect de son obligation de développement professionnel continu. » À quand une réforme de la formation des gynécologues, pour aller en ce sens ?

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