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L’État nous protège-t-il du chaos ?

Aïda N’Diaye publié le 6 min

Analyse des termes du sujet

« L’État »

Le pouvoir politique, les institutions publiques, la nation.

« Nous »

Les individus, la société.

« Protège »

Évite ou régule.

« Chaos »

Désordre, conflits, violence… le chaos est le contraire du monde entendu au sens de « belle totalité » chez les Grecs notamment.

 

Défrichage

Premières intuitions

Les débats qui entourent manifestations et mouvements sociaux ces dernières années posent le problème clairement : l’État est-il ce qui nous protège des débordements qui peuvent accompagner ces événements ou, au contraire, est-il responsable, notamment par la répression et le maintien de l’ordre, de l’irruption de la violence dans l’espace public ?

L’actualité semble en effet bien souvent nous donner à voir un État non seulement incapable de prévenir le chaos mais qui, surtout, le provoque.

Pourtant, sans l’État, ne serions-nous pas condamnés à vivre dans la « guerre de tous contre tous » décrite par Hobbes (1588-1679) ? L’État n’est-il pas notre seul espoir d’échapper à la guerre généralisée à laquelle la violence inhérente à la nature humaine nous condamnerait en l’absence de tout pouvoir politique et judiciaire ?

 

Exemples qui viennent à l’esprit

Nombreux sont les exemples de tyrans qui, loin de protéger leur peuple du désordre, de la guerre, de la misère et du chaos, sont au contraire ceux-là mêmes qui le produisent. Et il n’est malheureusement pas besoin de remonter le cours du temps pour en trouver : de Franco à Saddam Hussein, de Poutine à Assad, c’est une constante de l’histoire.

Le potentiel chaotique de l’État ne repose pas seulement sur l’exercice d’une puissance physique mais aussi d’une violence symbolique : par certaines déclarations intempestives (« je traverse la rue et je vous trouve un travail », par exemple), Emmanuel Macron a ainsi pu susciter colère et chaos sociaux.

L’exemple des chefferies indiennes permet à l’anthropologue Pierre Clastres (1934-1977) d’avancer la possibilité d’une société sans État, dans laquelle tous sont à égalité et où l’ordre politique repose sur la reconduction perpétuelle par tous de leur adhésion aux lois communes. On n’a alors pas besoin de l’État pour échapper au chaos.

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