Malaise dans la civilisation
Le printemps arabe, ça se passe aussi dans les têtes ? C'est l'une des questions que pose Un divan à Tunis, film drôle et touchant de Manele Labidi, dans lequel Golshifteh Farahani incarne une psychanalyste face à des patients loin de connaître Freud sur le bout des doigts.
Il est suspendu au seuil, dans un cadre, le cigare au bout des doigts, un chapeau oriental sur la tête : Freud, un barbu juif cloué comme une présence ironique et bienveillante dans ce cabinet improvisé de la banlieue de Tunis. Selma, 35 ans, s’y installe afin d’exercer la psychanalyse, après avoir quitté Paris pour rejoindre le pays, au lendemain de la révolution. Dans Un divan à Tunis, la réalisatrice franco-tunisienne Manele Labidi s’étonne et s’amuse d’un peuple rendu « tout d’un coup bavard après des décennies de dictature », suite à l’évincement de Ben Ali en janvier 2011. Conçu comme une fable néoréaliste, mêlant la chronique sociale et l’humour, ce premier long métrage s’inscrit dans la veine des comédies italiennes des années 1960. Golshifteh Farahani (photo) y interprète Selma, aux prises avec la défiance et les malentendus d’une population pas vraiment rompue aux usages du divan. « On a du mal à parler, c’est une question de confort », dit ainsi l’un des personnages de ce film à sketchs. Dieu, « rien d’autre qu’un père exalté » pour Freud (Totem et Tabou, 1913), a encore ici sa place, et il faut bien composer avec cette « illusion ». Un Coran côtoie d’ailleurs Jung et Lacan sur sa table, et bientôt une file d’attente s’allonge à la porte de Selma. Progressivement, la société dans son ensemble se prête à l’analyse, au propre comme au figuré, puisque la jeune psy finit par pratiquer dans la rue, à la sauvette, faute d’autorisation officielle. La réalisatrice considère avec humour les effets de la révolution sur le psychisme, l’anxiété qu’elle a suscitée, une forme de schizophrénie générale, comme symptôme d’un « malaise dans la civilisation », agitée par un « combat entre la pulsion de vie et celle de mort ». Pour Freud, la culture, en même temps qu’elle pacifie nos relations et permet la vie commune, contredit en effet nos désirs, impose ses renoncements et ses frustrations. À l’issue de la révolution, après que les barrières et les interdits se sont partiellement et heureusement levés, faut-il redouter que la société soit « menacée de se désagréger » par le retour d’une « hostilité primaire des êtres humains » ? Cette Dolce Vita à la tunisienne connaît une issue parfaitement heureuse. Mais ce happy end psychanalytique presque comique, dont tout le monde ressort en chantant, libéré par la parole, n’est pas complètement sérieux, et Manele Labidi semble sourire de son propre optimisme.
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