Dossier/De la fin de la démocratie

Nolan Higdon : “Nous traversons une crise profonde de l’information”

Nolan Higdon, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 6 min

Si les fake news n’ont pas attendu Donald Trump pour exister, le président qui tweete plus vite que son ombre a favorisé leur diffusion dans l’opinion américaine. Le professeur d’études des médias Nolan Higdon démonte ici les mécanismes de la désinformation made in USA. 

 

Votre nouvel essai The Anatomy of Fake News est-il dirigé contre Donald Trump ?

Nolan Higdon : Pas seulement ! Mais Trump a poussé l’usage du mensonge et de la désinformation à un point rarement atteint. Trois journalistes du Washington Post ont montré que le président proférait au début de son mandat cinq mensonges par jour en moyenne, avant de passer à huit – soit un total de 4 229 en 558 jours. Ses falsifications sont cohérentes et ciblées, qu’il s’agisse du réchauffement climatique ou des migrants mexicains ; ce ne sont donc pas de simples erreurs. Cependant, il n’a pu s’affranchir de l’exigence de véracité qu’à la faveur d’un contexte plus large. La confiance dans les médias traditionnels s’est effondrée aux États-­Unis. Elle a diminué de 69 % depuis 2008, si l’on en croit une étude menée par l’institut Gallup. Cette perte de crédit du récit journalistique ouvre une opportunité pour d’autres versions des faits, notamment des théories conspirationnistes, et Trump s’est engouffré dans la brèche.

 

Le linguiste William Lutz définit les fake news comme des affirmations qui prétendent dénoncer des mensonges et des complots, tout en étant des mensonges. Êtes-vous d’accord avec cette définition ?

Beaucoup d’universitaires lient la notion de fake news à la personne de Trump. À mon sens, ce n’est pas vraiment pertinent. Les fake news existent aujourd’hui dans toutes les démocraties, elles sont souvent utilisées par les populistes mais pas uniquement, et le phénomène ne s’achèvera pas avec la carrière politique de Trump. C’est pourquoi je propose une définition plus large, et j’affirme qu’il existe différents formats de fake news comme la rumeur, le mensonge, le canular, la satire, la parodie, la désinformation, l’imposture, la fabrication de contenus ou leur manipulation, mais aussi le deep fake, les fausses vidéos, en plein essor. Trump, comme beaucoup de personnalités autoritaires avant lui, a tendance à dénoncer comme des mensonges ou à tourner en dérision les vérités qui lui sont défavorables. Cependant, il n’est que l’arbre masquant la forêt : notre civilisation traverse une crise profonde de l’information.

Traduit par Alexandre Lacroix
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