Clivages

Peur / Sécurité

Pierre-Henri Tavoillot publié le 3 min

Réchauffement climatique, crash financier ou déclassement social… Nos petites phobies et grandes terreurs seraient-elles devenues les marques d’une sage lucidité ?

Nos sociétés seraient-elles devenues trouillardes ? C’est ce qu’on pourrait croire en constatant la place paradoxale que la peur y occupe. Elle est paradoxale pour au moins trois raisons. Comment, tout d’abord, ne pas voir que nous vivons dans un monde où la sécurité règne comme jamais dans l’histoire de l’humanité ? La guerre s’est éloignée, la famine a disparu, l’homicide décline, l’espérance de vie augmente, la médecine n’a jamais été aussi efficace… et, au lieu de nous réjouir, c’est la trouille qui nous taraude. On a peur de manger, de boire, de respirer, de faire l’amour, de fumer… Ce sont d’innombrables petites phobies qui semblent avoir pris la place des terreurs d’autrefois. À ceci près que, dans notre univers laïc, rationnel et scientifique – et c’est un second paradoxe –, l’angoisse de l’apocalypse ne nous a pas quittés : effet du réchauffement climatique, catastrophe nucléaire, crash financier… l’évocation de ces risques retrouve dans l’espace public des accents prophétiques bien au-delà de leur analyse rationnelle. Enfin, et c’est le plus surprenant, la peur s’est déculpabilisée. Jadis, elle était un vice dont l’adulte devait se libérer pour grandir. De nos jours, elle est devenue une vertu, voire un devoir. Condition de la lucidité, aiguillon de l’action, elle a presque acquis le statut de sagesse. Qui ne tremble pas commet le triple péché d’ignorance, d’insouciance et d’impuissance. Comment en est-on arrivé à une telle inversion ? On peut avancer trois types d’interprétation.

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