Devoirs d'experts

Peut-on avoir raison contre les faits ?

Aïda N’Diaye publié le 8 min

Professeurs de philosophie, Aïda N’Diaye et Olivier Dhilly ont endossé l’habit du lycéen afin de plancher sur plusieurs sujets. Ils se sont prêtés au jeu, voici le fruit de leur réflexion : des copies réalisées en quatre heures chrono chacune. À vous de juger… Ces copies presque parfaites sont à regarder de près, car ce sont des devoirs de ce type, construits, informés et bien argumentés, dont les correcteurs raffolent.

 

19/20
Réflexion limpide, rigoureuse, parfaitement maîtrisée. La problématique est très bien posée en introduction, vous faites bien entendre toutes les résonances du sujet et vous engagez vraiment sur votre réponse. 

 

Introduction / “Les faits sont-ils des évidences incontestables ou doivent-ils faire l’objet d’une interprétation ?” 

L’expression « Les faits sont têtus » semble indiquer clairement la nature des faits : ils sont ce qu’ils sont et sont donc incontestables. Un fait n’est pas une opinion : « J’ai 18 ans », « Il est midi » – autant de faits qui ne sont pas soumis à discussion, qui ont presque un caractère subi… Or, l’idée d’avoir raison contre les faits laisse entendre que l’on pourrait argumenter contre eux et l’emporter dans cette discussion. Dans un premier temps, cela paraît donc absurde. Pourtant, ces faits qui semblent s’imposer à nous ne font-ils pas l’objet d’une interprétation ? Les sciences ou le droit nous apprennent par exemple que le fait n’est pas une évidence mais doit être interprété pour être compris et avoir du sens. N’a-t-il pas fallu plusieurs siècles pour que les hommes se mettent d’accord sur le fait que la Terre est ronde ? Les faits, qui se donnent à nous à travers l’expérience, ne peuvent-ils donc pas faire l’objet d’une discussion ? Mais cela n’est pas sans risque. Chercher à avoir raison contre les faits, à imposer notre point de vue contre la réalité, cela ne revient-il pas justement à manipuler la réalité pour la conformer à nos idées ? N’est-ce pas là la source des pires idéologies ? Ne faut-il pas, au contraire, garder raison et s’en tenir aux faits ?

Nous voyons donc qu’il est difficile de décider si nous devons discuter les faits, pour mieux les comprendre (au risque de les pervertir), ou, à l’inverse, nous y soumettre, au risque d’y perdre notre liberté. Les faits sont-ils des évidences incontestables ou doivent-ils faire l’objet d’une interprétation ?

Nous verrons dans un premier temps que chercher à avoir raison contre les faits semble totalement absurde. Mais à nous en tenir à l’expérience, ne risquons-nous pas de passer à côté de la vérité ? Ne devons-nous pas, toutefois, nous méfier des idéologies qui cherchent à imposer une opinion contre la réalité ?

Partie I / “On ne discute pas avec les faits”

Expresso : les parcours interactifs
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