Pierre Zaoui : “Le peuple est revenu, ce qui peut conduire au pire... comme au meilleur”
Si le philosophe spécialiste de Spinoza se réjouit de ce mouvement social spontané, inventeur de formes inédites de dignité et de solidarité, il s’inquiète de son potentiel fascisant qui pourrait porter un parti populiste et nationaliste au pouvoir… À moins que les “gilets jaunes” ne renversent complètement la table pour créer, enfin, du nouveau en politique.
Il faut sans doute être aveugle et sourd depuis des années, n’avoir rien vu de la dégradation continue des conditions de vie des petites classes moyennes, n’avoir même pas imaginé un instant ce que peut être le sort aujourd’hui d’une femme ou d’un homme gagnant raisonnablement sa vie mais divorcé(e), avec des enfants, qui fume et roule au diesel, pour se trouver surpris par ce mouvement des « gilets jaunes » comme par son ampleur, celle-ci résidant moins dans le nombre exact de manifestants et de « bloqueurs » que dans la sympathie populaire que ce mouvement suscite, en dépit – mais peut-être aussi en raison – des violences qui l’accompagnent. Nul besoin d’avoir lu Machiavel pour comprendre qu’un Prince qui s’appuie exclusivement sur les grands et jamais sur le peuple court les plus grands dangers. Nul besoin non plus d’avoir lu Jacques Rancière pour mesurer combien le prétendu « réalisme » de nos dirigeants n’est qu’une utopie qui ignore presque tout de la rude réalité et combien leur prétendu « pragmatisme » n’est souvent que le voile d’un dogmatisme purement idéologique. Nul besoin même d’avoir lu Marx pour savoir que la lutte de classes ni ne se décrète, ni ne s’abolit et peut prendre les formes les plus surprenantes comme les plus inventives – et ce mouvement des « gilets jaunes » est particulièrement inventif, par son désir de retourner les formes actuelles d’invisibilisation et de détresse des gens ordinaires en puissance d’affirmation (une prise des couleurs plutôt qu’une prise de parole comme on pouvait dire en mai 1968), par son horizontalité, sa transversalité et sa désaffiliation radicales, par sa capacité à investir de nouveaux lieux de lutte (les quartiers chics de l’ouest parisien, les ronds-points péri-urbains, les réseaux informels…), par son spontanéisme qui dure.
Un geste désespéré ?
La bulle de savon, un objet philosophique ? C’est de ce presque rien dont s’empare Pierre Zaoui dans son nouveau livre, Beautés de l’éphémère…
Les célébrations du 150e anniversaire de la Commune, cette insurrection des Parisiens contre une Assemblée hostile aux couches les plus…
Décider de soi, c’est renoncer à soi au profit du monde. C’est la conclusion à laquelle arrive Pierre Zaoui après avoir relu Spinoza. Il explique…
En faveur de la mobilisation des “gilets jaunes”, des philosophes de tous bords prennent la plume pour la défense de la “décence ordinaire”. Tour…
Le Brexit a eu pour effet collatéral de renforcer le nationalisme des Écossais, qui réclament, de plus en plus, leur indépendance vis-à-vis du…
Au temps du coronavirus, Catherine Portevin, cheffe de la rubrique “Livres” de “Philosophie magazine” a relu “La Traversée des catastrophes”,…
Un “effort pour persévérer dans son être” : telle est la définition du désir chez Spinoza, qui, pour le philosophe Pierre Zaoui, est paradoxalement la clé… d’un changement réussi.
On aurait pu penser qu’un grand reporter démultiplie ses existences tandis qu’un philosophe approfondit un unique chemin de vie. Mais dans le cas…