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©Anthony Linger/Hans Lucas via AFP

France/Sécurité

Police : pas vu pas pris ?

Nicolas Gastineau publié le 03 décembre 2020 3 min

Le récent projet de loi relatif à la sécurité globale prévoit d’étendre les mesures de vidéosurveillance tout en interdisant de filmer des policiers en exercice. Qu’aurait pensé Michel Foucault de ces mesures asymétriques ?

 

« Savoir être inventif et innovant afin de renforcer le continuum de sécurité. » Ce curieux mantra, c’est celui de la proposition de loi relative à la sécurité globale, portée par des députés La République en marche et discutée depuis le 17 novembre à l’Assemblée nationale. Et pas de doute, c’est « inventif et innovant ». Les caméras portatives des policiers pourront retransmettre en direct « le feu de l’action » à leur hiérarchie. On verra aussi se déployer des « caméras installées sur des aéronefs », c’est-à-dire des drones. Cependant, ces mesures se font voler la vedette par l’article 24, qui interdit de diffuser des images « du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier en exercice. L’objectif : les protéger contre ceux qui voudraient porter atteinte à leur « intégrité physique ou psychique ». Mais comment savoir par avance avec quelle intention on filme ? D’où la mobilisation d’Amnesty international, de la Défenseure des droits et de l’ONU, qui craignent que la loi aboutisse à l’impossibilité de filmer les forces de l’ordre. Résumons : une police aux yeux augmentés, mais que l’on ne peut plus regarder en retour ? Voir sans être vu, donc. Un jeu de regard que Michel Foucault révèle dans Surveiller et Punir (1975) comme un cruel jeu de pouvoir. Sous la constante menace de se sentir épié, on anticiperait et adopterait le comportement exigé. Bref, de « cette relation fictive » naîtrait… « un assujettissement réel ».

Dans Surveiller et Punir, Michel Foucault étudie le « panoptique », un projet d’architecture carcérale imaginée autour d’une tour de contrôle, au centre de la prison. Un surveillant peut y voir chacune des cellules qui forment un cercle autour de lui, de telle sorte qu’à tout moment, chacun des prisonniers se trouve sous le regard probable du surveillant. De là, « l’effet majeur du Panoptique : induire chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir ». Chacun s’en convaincra dans le face-à-face avec une caméra : lorsqu’on rentre dans le champ d’un objectif, on crispe la posture, on se fait plus docile, on marche d’un pas différent. Et, à la rigueur, peu importe que le drone qui surplombe une manifestation filme effectivement : cet œil de la loi balayant le ciel suffirait à en imposer l’ordre.

Le pouvoir du panoptique s’exerce sans la contrainte physique. Soumis au regard, on fait sienne l’exigence que contient ce regard. Et inscrivant « en soi le rapport de pouvoir », on « devient le principe de son propre assujettissement ». La loi auto-exercée, le rêve de tout gouvernant ! C’est là où Michel Foucault est bien obligé de reconnaître que l’invention du panoptique est « une machine merveilleuse ». La loi de sécurité globale irait peut-être jusqu’à dire : « inventive et innovante ». La cible du pouvoir intègre spontanément la dis­cipline, sans en subir la coûteuse con­trainte physique. En effet, pour Michel Foucault, plus le pouvoir « tend à l’incorporel », plus « ses effets sont constants, profonds, acquis une fois pour toutes ». Plus qu’elle n’encadre – ou s’apprête à couvrir ? – l’exercice des violences policières, la loi de Sécurité globale préparerait-elle… leur inutilité ?

La surveillance du panoptique devait être asymétrique : le surveillé ne peut voir son surveillant. Mais depuis la parution de Surveiller et Punir, la verticalité du panoptique a laissé la place à une « sousveillance » : un jeu horizontal, un exercice de réciprocité, où chacun se regarde par smartphones interposés. Une sorte de bataille de regards démocratique : les policiers surveillent les manifestants qui « sousveillent » les policiers, par caméras interposées. Un contre-regard qui avait permis de faire apparaître plusieurs cas de violences policières dans les dernières années, ainsi qu’en témoigne le récent film de David Dufresne, Un pays qui se tient sage. Mais, justement, en soustrayant les policiers à la lumière des caméras, en les recouvrant de son ombre protectrice, la loi réinstalle l’asymétrie du panoptique. Reste alors la question essentielle : qui surveillera les surveillants ?

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