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Le concept du moment

Pourquoi Olivier Véran parle de “bulle sociale”

Octave Larmagnac-Matheron publié le 21 octobre 2020 3 min

« Si chacun de nous voit un peu moins de personnes par jour […], nous réussirons à vaincre ce virus. Certains pays ont parlé du concept de “bulle sociale”, c’est un peu le concept dont je vous parle ce soir », affirmait le ministre de la Santé Olivier Véran le 23 septembre. La notion est également mise en avant depuis quelque temps en Belgique : le gouvernement impose à chaque foyer de désigner un nombre limité de personnes avec lesquelles il pourra entretenir des « contacts rapprochés », sans masque ni distanciation. La fameuse « règle des six » édictée par Emmanuel Macron est une variante plus souple de l’idée de bulle sociale. Les Français, en effet, ne sont pas obligés de désigner un nombre restreint de contacts rapprochés. Olivier Véran invitait tout de même à « éviter de sortir plusieurs fois par semaine avec des personnes différentes. » 

La vie sociale réduite à sa sphère la plus réduite. Dans le premier volume de sa trilogie Sphères, le philosophe allemand Peter Sloterdijk faisait justement de la « bulle » la forme élémentaire de la vie humaine. Privée de ce monde intime et intersubjectif, l’existence est, selon lui, privée de son sens.

  • Pour expliquer ce qu’est une bulle, Sloterdijk prend l’exemple d’un jeune garçon qui, depuis son balcon, joue à faire des bulles de savons. « Alors que d’habitude, l’air expiré s’évanouit sans laisser de trace, le souffle encapsulé dans l’orbe se voit octroyer un sursis. » L’enfant observe la sphère fragile qui s’éloigne avec un mélange « de solidarité, d’espoir et d’anxiété ». L’espace d’un instant, il est pleinement présent auprès de ce « corps respiré », qu’il accompagne. « Dans l’extase de l’attention, la conscience de l’enfant quitte virtuellement sa source corporelle. […] Le créateur est hors de lui-même. » Il fait l’expérience d’une « expansion de l’âme » et coexiste avec sa création dans une microsphère qui s’étend à mesure que la bulle s’éloigne, et « exclut le reste du monde ».
  • Cependant, « qui a placé son souffle en l’enfant en premier lieu », s’interroge Sloterdijk ? Si le jeune garçon est capable de sortir ainsi de lui-même, c’est en effet, prétend le philosphe, parce qu’il est habité par le souffle, l’attention, le regard de quelqu’un d’autre qui se soucie de son existence – un parent, un ami, etc. La bulle n’est pas complète sans cet autre grâce auquel apparait l’intimité nécessaire pour que l’homme puisse s’élancer dans le monde. Par conséquent, « dans sa forme la plus élémentaire, la sphère apparaît comme une bulle double, un espace ellipsoïde d’esprit et d’expérience habité par au moins deux êtres qui se font face dans une solidarité polaire ». Vivre dans une sphère signifie habiter une « unique subjectivité partagée ».
  • La sphère est la forme fondamentale de l’existence humaine : nous vivons tous dans une – et même des – bulle, qui représente la « forme intime », l’expression la plus originelle de la sphère, « la molécule de base de nos relations fortes » sans lesquelles la vie n’a guère d’intérêt. L’intimité est nécessairement partagée. Notre identité, notre subjectivité, notre existence ne sont pas limitées, selon Sloterdijk, aux contours assignés traditionnellement à la personne humaine. Non au solipsisme : nous existons tous dans les autres, et à travers les autres. Le moi n’est pas une substance close et unifiée. « Les homme sont le produit de leur intérieur » partagé. D’où l’importance de préserver, tant bien que mal, des « bulles sociales », des espaces dans lesquels les êtres peuvent échanger leur souffle – sans l’obstacle d’un masque. « Social » serait d’ailleurs, pour Sloterdijk, trop large : mieux vaudrait parler de « bulle intime ».
  • Les bulles, en effet, sont fragiles : elles peuvent « éclater » à tout moment, sous l’effet d’une cause extérieure – lorsque les individus sont privés de relations – ou endogène – lorsqu’elle veut trop s’étendre. C’est d’abord ce premier cas de figure qui pèse sur nous comme un couperet. Sloterdijk pose directement la question : « Qu’arrive-t-il à ceux qui ne sont l’expiration de personne ? » La réponse sonne comme une alarme : « Pour les personnes privées dépourvues de sphère, la vie devient une condamnation au confinement solitaire. Les egos […] privés de participation » regardent le monde extérieur comme un « paysage mouvant d’images » dans lequel ils ne sont pas à leur place. 
  • Sloterdijk nous montre ainsi que, malgré la crise sanitaire, il est absolument nécessaire de préserver des liens d’intimité et de contact entre les hommes. De maintenir des espaces de coexistence réelle. Un avertissement à l’égard du pouvoir politique, mais aussi des individus, que le philosophe invite à ne pas se recroqueviller sur eux-mêmes. 
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