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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Base de lancement de Jiuquan (Mongolie-Intérieure, désert de Gobi, Chine), le 17 juin 2021. De g. à dr. : les taikonautes Tāng Hóngbō, Liú Bómíng et Niè Hǎishèng lors du lancement de Shenzhou 12, la septième mission spatiale habitée chinoise et la première à destination de la Station spatiale chinoise. © Li Gang/Xinhua/Rea

International

Quelle est l’idéologie de la conquête spatiale chinoise ?

Océane Gustave publié le 23 juin 2021 3 min

Le jeudi 17 juin, trois astronautes chinois – ou taïkonautes – ont été envoyés vers la nouvelle station spatiale chinoise, joliment nommée « Palais céleste ». Ils seront chargés de parfaire la construction de la station, qui devrait accueillir plusieurs autres passagers d’ici quelques mois.

La conquête spatiale américaine ou soviétique a été sous-tendue par des mythologies nationales, souvent tirées de leur culture propre : conquête des nouvelles frontières aux États-Unis, science-fiction marxiste et cosmisme russe pour les soviétiques. 

Et en Chine ? Quel système de représentation du monde se cache derrière la ruée de la Chine contemporaine vers l’espace ?

 

  • La Chine n’avait pas entrepris de vol habité depuis cinq ans ; elle en a donc profité pour fêter en grande pompe la reprise de son épopée spatiale. À cela, il faut rajouter l’imminence du centenaire du Parti communiste chinois – célébré le 1er juillet prochain – qui achève de donner une dimension hautement patriotique à l’événement. Au-delà de la démonstration de force et de la rivalité mimétique avec les États-Unis, le projet de « conquête de l’espace » est aussi révélateur du rapport que la Chine entretient avec le cosmos.
  • En effet, comme le rappelle la sinologue et professeur au Collège de France Anne Cheng, la Chine s’est présentée pendant plus de deux millénaires comme le Tiānxià (天下), littéralement comme « tout ce qui est sous le ciel ». C’est qu’à défaut de se targuer d’être le centre du monde (attitude répandue s’il en est), la Chine se présentait « comme le monde ». Cet espace universel du Tiānxià était traditionnellement gouverné par le Tiānzǐ (天子) : le Fils du ciel, autre nom donné à l’empereur. Il existait donc en Chine une correspondance très claire entre le dirigeant politique et le macrocosme… comme l’atteste par exemple cette formule, tirée du Livre des Odes édité par Confucius et explicitée dans La Vie des idées par Ji Zhe de l’Inalco : « Tout le ciel universel n’est que le sol de Wang » (Wáng, 王, étant le mot chinois utilisé pour qualifier le roi, le souverain). Si le souverain entretient une relation privilégiée avec le ciel, Confucius insiste sur le fait que tout un chacun doit aspirer à « être sous le ciel ». On peut ainsi convoquer un concept figurant dans ses Entretiens : « L’harmonie entre le ciel et les hommes » (天人合一, Tiān rén hé yī).
  • C’est en raison de ce modèle de l’harmonie que, contrairement à l’Europe, la Chine a eu un rapport si l’on peut dire apaisé au ciel et par suite à l’astronomie. Ainsi dès 1088, l’ingénieur chinois Sū Sòng, sur ordre de l’empereur Zhézōng des Sòng (lien en anglais), construit une horloge astronomique extrêmement complexe qui, érigée dans les jardins impériaux, reproduit mécaniquement les phases de la Lune et les mouvements des constellations. Alors qu’en Europe, la plupart des savants ayant fait progresser le savoir astronomique étaient des dissidents, puisque leurs avancées menaçaient l’autorité des Saintes Écritures, les scientifiques chinois, quant à eux, se trouvaient au plus près du pouvoir politique. Leur savoir apparaissait en effet comme susceptible d’offrir des garanties de l’ordre établi, de relier le macrocosme et le microcosme. Ainsi, en Chine, ordre cosmique et ordre politique s’entremêlent parfaitement : le modèle de l’harmonie règne.
  • Mais alors, que dire de cette ruée contemporaine vers l’espace ? S’agit-il d’un changement de paradigme ? D’un tournant ? En réalité, on peut plutôt y voir une sorte de prolongation, de parachèvement de l’idéal d’harmonie entre les cieux et le monde des hommes. Le meilleur moyen de ne faire qu’un avec le ciel reste encore de l’atteindre... littéralement. Ce nouveau degré d’harmonie est exprimé par une expression qu’utilisait déjà le poète Xīn Qìjí au XIIe siècle : « 天上 人间 » (Tiān shàng rén jiān), qui signifie que le ciel se trouve désormais au même niveau que celui des hommes. On comprend mieux pourquoi la Chine a choisi d’appeler sa station spatiale « Palais céleste » (天宫, Tiān gōng). C’est que le pouvoir, désormais centralisé par le parti communiste, atteint le paroxysme de sa puissance en s’extrayant de l’espace terrestre.
  • Il reste toutefois surprenant – pour ne pas dire ironique – qu’un parti communiste qui s’est, des années durant, targué de faire table rase de tout passé impérial et qui avait même tenté d’interdire la lecture de Confucius pour le remplacer par le Petit Livre rouge, mobilise aujourd’hui ces mêmes concepts confucéens pour affirmer sa puissance. Mais la propagande et l’amnésie n’ont-elles pas toujours fait bon ménage ?
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