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Une salle d’attente pour la vaccination contre le Covid-19 dans un hôpital public de Chennai (Inde), le 16 avril 2021. © Arun Sankar/AFP

Témoignage

Réveil difficile à New Delhi

Jack Fereday publié le 23 avril 2021 4 min

L’Inde est frappée de plein fouet par une nouvelle vague de Covid-19. Alors que le pays était plutôt épargné depuis plusieurs mois, l’épidémie semble hors de contrôle depuis quelques semaines : le système médical est saturé, l’oxygène manque, des personnes infectées meurent sur des brancards devant les hôpitaux… Selon certaines estimations, près de 17 000 personnes perdraient la vie chaque jour à cause du coronavirus, et notamment des enfants. Pour tenter de juguler la crise, certains gouvernements locaux, comme celui de Delhi, ont instauré un nouveau confinement, première mesure forte dans ce pays depuis mai 2020. Journaliste pour Philosophie Magazine résidant en Inde, Jack Fereday a lui-même contracté le Covid il y a dix jours. Il nous raconte son expérience éprouvante dans un pays qui vit un véritable cauchemar.

 

« Cela faisait près d’un an qu’en dépit de mes propres remontrances, je continuais à traîner cette drôle d’arrière-pensée : “Ce virus ne m’attrapera jamais. Si je devais l’avoir, je l’aurais déjà eu il y a longtemps.” En effet, je n’étais pas seulement sorti indemne de la première vague de l’épidémie, à New Delhi, tout en ayant continué à fréquenter mes amis, les commerces et les marchés. J’ai ensuite sillonné le pays, explorant tour à tour le Ladakh, le Bengale oriental, Goa puis le Nagaland, avec, à chaque escale, une insouciance décuplée. Loin de moi l’idée qu’avec chaque voyage, je m’approchais peut-être d’une fin inéluctable (la “loi des grands nombres”, c’est pour les fatalistes !). J’y voyais plutôt le signe d’une mystérieuse immunité, une sorte de bouclier magique inexpliqué.

C’est donc d’abord mon ego qui a souffert, quand je me suis réveillé avec une toux sèche et des douleurs articulaires, il y a dix jours, dans la capitale indienne. Je me suis senti comme ces joueurs qui s’attardent trop longtemps au casino : après avoir semé le virus pendant plus d’un an – et tandis que la partie me semblait presque terminée, grâce à l’arrivée du vaccin – voici soudain que mes gestes me trahissaient. Passés les escapades en bateau, les concerts, les bars, les fêtes religieuses (Durgā pūjā, Noël, Holi...), j’aurais dû tirer mes gains et attendre que la deuxième vague se dissipe. Au lieu de cela, me voilà fiévreux, léthargique, incapable de goûter à tous ces plats dont je raffole, y compris les plus épicés... Bref, un profil clinique des plus banals, une symptomatologie tristement démocratique. Le Covid-19. Quelle bêtise !
 

New Delhi, le 23 avril 2021. © Jack Fereday

New Delhi, le 23 avril 2021. © Jack Fereday


Mais si péché d’orgueil il y a, je ne suis pas le seul coupable. Loin de là : mon histoire, c’est un peu celle de toute l’Inde qui, comme moi, a peut-être commis l’erreur de se croire au-dessus du coronavirus. La faute au succès improbable qu’a connu le pays depuis le début de l’épidémie, avec un taux de mortalité étonnamment bas ; la faute aussi à ces nouveaux variants (d’abord britannique et brésilien, désormais indien) plus contagieux, et qui semblent faire fi de l’immunité collective acquise depuis un an. Je ne compte plus les personnes que je connais qui ont été infectées – et parfois ré-infectées – au cours des deux dernières semaines, tandis que les nouvelles du “front” révèlent un système hospitalier au bord de l’écroulement : pas assez de lits, pas assez d’oxygène, des malades qui succombent sur les brancards devant les hôpitaux, des bûchers funéraires improvisés sur les parkings... La mère d’un de mes amis, secrétaire général d’un syndicat d’infirmières à Delhi, me le confirme : elle n’a jamais vu autant des malades, et parmi eux, autant d’enfants et de jeunes.

Pour la première fois depuis mai 2020, le gouvernement de New Delhi a donc prononcé un nouveau confinement général. Une mesure nécessaire, quoique tardive : hier encore, l’Inde a enregistré 315 000 nouveaux cas, soit un record mondial. Et rien n’indique que le pire soit derrière nous. Les autorités se voient accusées non seulement d’avoir attendu pour imposer ces restrictions, mais aussi de n’avoir pas profité de la période de répit pour améliorer les infrastructures médicales du pays. La pénurie de médicaments et d’oxygène est d’ailleurs visible sur les réseaux sociaux, où je vois défiler des appels à l’aide qui glacent le sang.
 

New Delhi, le 23 avril 2021. © Jack Fereday

New Delhi, le 23 avril 2021. © Jack Fereday


Certes, le pays aurait pu mieux se préparer. Mais je suis réticent à jeter la première pierre. N’avons-nous pas tous été aveuglés par les mêmes biais, notamment le “biais de normalité”, qui retarde notre appréhension des désastres ? Ou encore le “biais d’optimisme”, qui nous fait croire aux scénarios les plus favorables ? La France a connu le même sort, me semble-t-il, au sortir du déconfinement l’été dernier. Là aussi, la population et ses dirigeants ont cru trop tôt au retour à la vie normale. Non, il n’y a pas de quoi se flageller. Cela m’étonnerait qu’un parfait équilibre puisse être trouvé, entre excès de joie de vivre d’un côté, et paranoïa de l’autre.

De toute façon, entre les deux postures, mon choix est vite fait. Car durant cette semaine de convalescence, mon sentiment initial de honte a vite cédé la place à une pensée secrète, source d’une allégresse indéfendable : je me remémore les chants de moines tibétains sur les hauts-plateaux du Ladakh ; la liesse autour de la déesse Durga, sur les rives du Hooghly, à Calcutta ; la beuverie improvisée sur un bateau de touristes, au large de Goa ; les enfants éclaboussés de couleurs dans les rues de Delhi, lors du Holi... Certes, ma raison a pu être compromise par ce “plaisir d’exister” dont parle Clément Rosset, ce “quitus aveugle accordé à tout et à n’importe quoi, comme une approbation inconditionnelle de toute forme d’existence présente, passée ou à venir” (La Force majeure, Minuit, 1983). Il est vrai qu’après un an de course-poursuite, ce fichu virus a bien fini par me rattraper ; mais l’Inde comme moi-même, il ne nous aura jamais empêchés de vivre. »

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