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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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 © Elina Brotherus : Tombeau imaginaire 3, 2019, de la série "Sebaldiana. Memento mori". Courtesy : Elina Brotherus et gb agency, Paris.

Hors-série "L'art de ne rien faire"

S’évader en beauté

Octave Larmagnac-Matheron publié le 23 juillet 2023 8 min

S’absorber dans le monde pour faire le vide ? Voilà le secret : autour de nous, la beauté de la nature est une invitation quotidienne au délassement.

 

L’art de la rêverie
 

« On ne m’a laissé passer guère que deux mois dans cette Île, mais j’y aurais passé deux ans, deux siècles et toute l’éternité sans m’y ennuyer un moment. […] Je compte ces deux mois pour le temps le plus heureux de ma vie et tellement heureux qu’il m’eût suffi durant toute mon existence, sans laisser naître un seul instant dans mon âme le désir d’un autre état. » Jean-Jacques Rousseau écrit ces lignes entre 1776 et 1778 dans les Rêveries du promeneur solitaire. Il y relate, entre autres « promenades », la parenthèse enchantée d’un séjour sur l’île Saint-Pierre, au milieu du lac de Bienne, en Suisse. « Quel était donc ce bonheur et en quoi consista sa jouissance ? » se demande le philosophe. Dans le fait de ne rien faire, précisément : « Le précieux farniente fut la première et la principale de ces jouissances que je voulus savourer dans toute sa douceur, et tout ce que je fis durant mon séjour ne fut en effet que l’occupation délicieuse et nécessaire d’un homme qui s’est dévoué à l’oisiveté. » Rien faire, ou presque. « L’oisiveté que j’aime n’est pas celle d’un fainéant qui reste là les bras croisés dans une inaction totale, et ne pense pas plus qu’il n’agit. C’est à la fois celle d’un enfant qui est sans cesse en mouvement pour ne rien faire, et celle d’un radoteur qui bat la campagne, tandis que ses bras sont en repos », note Rousseau dans ses Confessions (1782). Son temps sur l’île est passé à arpenter, découvrir, regarder. Le philosophe découvre – et introduit dans l’histoire de la pensée – « ces délices que donne une contemplation pure et désintéressée » de la nature autour de soi. À la contemplation théorique des idées et de la vérité chez les Anciens (lire p. 32), et à celle de Dieu, mise en avant par le christianisme, Rousseau substitue, du moins ajoute, la contemplation sensible, esthétique. Il évoque « ces délices internes que trouvent dans la contemplation les âmes aimantes et douces », « ces ravissements, ces extases que j’éprouvais quelquefois en me promenant ainsi seul ». Le va-et-vient est permanent entre le regard qui glisse à l’extérieur (ex-stase, « se tenir hors de soi ») et la tranquillité intérieure. L’âme s’apaise à mesure que ses mouvements s’harmonisent avec ceux, non volontaire, du monde.
 

Le spectacle de l’eau favorise tout particulièrement pour Rousseau ce relâchement propice à la rêverie libre de l’imagination, autre notion centrale : « Quand le soir approchait, je descendais des cimes de l’île et j’allais volontiers m’asseoir au bord du lac sur la grève dans quelque asile caché ; là le bruit des vagues et l’agitation de l’eau fixant mes sens et chassant de mon âme toute autre agitation, la plongeaient dans une rêverie délicieuse où la nuit me surprenait souvent sans que je m’en fusse aperçu. Le flux et reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence, sans prendre la peine de penser. De temps à autre naissait quelque faible et courte réflexion sur l’instabilité des choses de ce monde dont la surface des eaux m’offrait l’image : mais bientôt ces impressions légères s’effaçaient dans l’uniformité du mouvement continu qui me berçait, et qui sans aucun concours actif de mon âme ne laissait pas de m’attacher, au point qu’appelé par l’heure et par le signal convenu je ne pouvois m’arracher de-là sans efforts. » L’âme, sans doute, n’est pas à proprement parler inactive ou passive, mais elle s’affranchit du souci qui la hante et de l’initiative qui la bride ordinairement : elle vibre simplement au rythme de la nature, renonce à lui imposer ses plans pour se laisser porter par son souffle. La solitude des lieux favorise cet état voluptueux car rien ne rappelle au contemplateur perdu au milieu des forêts et des montagnes sauvages ses tracas, ses préoccupations, ses inquiétudes. Rien dans la nature anonyme, indifférente, ne le ramène à lui. « Il faut avouer que [la rêverie] se faisait bien mieux et plus agréablement dans une [île] fertile et solitaire, naturellement circonscrite et séparée du reste du monde, où rien ne m’offrait que des images riantes, où rien ne me rappelait des souvenirs attristants, où la société du petit nombre d’habitants était liante et douce sans être intéressante au point de m’occuper incessamment ; où je pouvois enfin me livrer tout le jour sans obstacle et sans soins aux occupations de mon goût, ou à la plus molle oisiveté. » Dans une autre promenade, il note encore : « Le pays est peu fréquenté par les voyageurs ; mais il est intéressant pour des contemplatifs solitaires qui aiment à s’enivrer à loisir des charmes de la nature, et à se recueillir dans un silence que ne trouble aucun autre bruit que le cri des aigles, le ramage entrecoupé de quelques oiseaux, et le roulement des torrents qui tombent de la montagne. »

Expresso : les parcours interactifs
Kant et la raison
Pourquoi continuons-nous à nous prendre la tête sur des concepts abstraits, invérifiables, comme Dieu ou la liberté humaine ? C'est à cause de la manière dont est construite notre raison ! La réponse avec le plus brûlant des philosophes allemands : Emmanuel Kant.
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