Socialisme ou Barbarie. L’aventure d’une lucidité radicale
Créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par les philosophes Cornelius Castoriadis et Claude Lefort, Socialisme ou Barbarie était un mouvement révolutionnaire qui prônait l’autogestion et la démocratie des conseils tout en élaborant une critique décapante du stalinisme. Il aura fait mentir l’idée reçue selon laquelle l’aspiration à refaire le monde implique de renoncer à son intelligence.
« J’ai toujours préféré avoir tort avec Sartre plutôt que raison avec Aron. » La formule, attribuée au journaliste Jean Daniel, a longtemps fait mouche. Que signifiait-elle à l’époque ? Qu’en dépit des manquements et des fautes politiques répétées de Sartre (inactif sous l’Occupation et suractif à la Libération, « compagnon de route » du communisme et du maoïsme, complaisant avec la violence terroriste, etc.) et de la persévérante lucidité de Raymond Aron (s’engageant dans la Résistance à Londres, mesurant la menace totalitaire tout en s’inspirant de Karl Marx pour comprendre le capitalisme, défendant le libéralisme non moins que les dissidents), il valait mieux s’être fourvoyé avec l’un qu’avoir vu juste avec l’autre. Parce que les illusions de l’un permettaient d’entretenir l’espoir d’un autre monde, tandis que le réalisme de l’autre enfermait dans la grisaille de celui-ci. Mieux valait fermer les yeux sur le goulag, si cela permettait de « ne pas désespérer Billancourt ».
Cependant, quand on observe d’un peu plus près le nuancier idéologique de l’époque, force est de reconnaître qu’il n’était pas aussi binaire. Et qu’il était possible d’avoir raison contre Staline… sans désespérer le monde ouvrier, comme l’ont soutenu nombre de figures dissidentes de la gauche, de Rosa Luxemburg à George Orwell. En France, c’est tout le sens du mouvement Socialisme ou Barbarie, initié au sortir de la guerre par les philosophes Cornelius Castoriadis et Claude Lefort.
Une rébellion fondatrice
Socialisme ou Barbarie ! A priori, l’alternative ne semble pas faire beaucoup de place à la nuance. Elle est empruntée à Rosa Luxemburg qui, dans un célèbre texte écrit en prison en 1915, la « brochure de Junius », dénonçait la capitulation de la social-démocratie européenne qui s’était montrée incapable d’empêcher la classe ouvrière de participer à « l’immense boucherie » de la Grande Guerre. Alors que les appartenances nationales étaient censées avoir eu raison de tout, Luxemburg appelait ainsi à renouer avec l’internationalisme socialiste sous peine de retomber dans une barbarie exterminatrice.
Fondateur de Socialisme ou Barbarie, élève et ami de Merleau-Ponty, Claude Lefort s’est engagé dans tous les grands combats du siècle sans jamais perdre sa liberté de parole. Penseur de la démocratie et du totalitarisme, il a élaboré…
Lorsque Proudhon publie Qu’est-ce que la propriété ? en 1840, le socialisme, soit la volonté de collectiviser les moyens de production, est encore une affaire de penseurs plutôt que de partis politiques. En France, débats et…
Quoi de plus incompatible, en apparence, que les États-Unis, berceau et fer de lance du capitalisme mondialisé et de la pensée de Karl Marx ?…
Dans une conférence inédite, le politologue Claude Lefort revient sur le surgissement de l’égalité au sein de la ville européenne. Et pointe le paradoxe de la démocratie : elle est le seul régime qui trouve son moteur dans la division…
Dans un texte paru en 1982, et repris dans le volume Le Temps présent. Écrits 1945-2005 (Belin, 2007), Claude Lefort met à jour la logique…
Pierre-Joseph Proudhon a longtemps été mal compris. Son célèbre « La propriété, c’est le vol » en a fait un révolutionnaire, alors…
Dans un dialogue inédit et exclusif, Alain Badiou, figure de proue de la gauche radicale et principal avocat de l’idée communiste, et Marcel…
Trois questions à… Francis Fukuyama, philosophe et économiste américain. Après avoir célébré le triomphe du modèle libéral sur le communisme, il nuance aujourd’hui ses positions face aux errements de la politique étrangère de Bush, à…