Stéphane Audoin-Rouzeau : « Paul Ricœur, orphelin de guerre, nous parle toujours du deuil de 1914-1918 »

Stéphane Audoin-Rouzeau, propos recueillis par Catherine Portevin publié le 4 min

Les historiens Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker ont publié un livre élucidant, magnifique d'intelligence et de sensibilité, qui avec vigueur – et peut-être imprudence ? – bouleverse nos représentations de la Grande Guerre. Nous y avons reconnu une illustration des thèses de Paul Ricœur dans La Mémoire, l'Histoire, l'Oubli, que nos empiriques auteurs avouent pourtant ne pas avoir encore lu. Explications avec Stéphane Audoin-Rouzeau. Entretien mené par Catherine Portevin originalement paru dans Télérama du 23 décembre 2000, n°2658, publié à nouveau avec l’accord du magazine et nos remerciements.

 

Télérama : Comment expliquez-vous ce regain d'intérêt, voire de passion, pour la guerre de 14-18 ?

Stéphane Audoin-Rouzeau : L'étonnant est que la mémoire de la guerre est plus active chez les petits-fils et arrière-petits-fils de soldats de 1914 que chez leurs fils. Ainsi agit la mémoire : on sait que pour la Shoah, il existe un syndrome (au sens propre : une vraie souffrance psychique) qui se produit au niveau de la deuxième génération, et on découvre même qu'elle peut se transmettre à la troisième. La première a subi et souvent s'est tue, et le trauma resurgit plus tard. “Il faut trois générations pour faire une psychose”, disait le psychiatre Leibovici. Il y a aussi dans cet intérêt pour la guerre de 14 un phénomène “fin de siècle” : d'une certaine façon, on peut dire que la Première Guerre mondiale s'est achevée avec la chute du mur de Berlin. Et, précisément au moment où le siècle se termine, la guerre est revenue et à sa source de 1914, c'est-à-dire dans les Balkans. Il y a eu un “effet Sarajevo” qui a revivifié la mémoire de la guerre de 14.

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