Ugo Palheta : “Les tentatives de putsch aux États-Unis et au Brésil sont le stade infantile d’un néofascisme international”
La correspondance entre l’attaque des lieux de pouvoir brésiliens et les événements du Capitole, il y a deux ans, est frappante.
Pour le sociologue Ugo Palheta, qui a récemment fait paraître La Nouvelle Internationale fasciste (Textuel, 2022) et anime chaque mois le podcast consacré à la question fasciste Minuit dans le siècle, nous avons là des signes patents d’une extrême droite qui s’organise mondialement, dans ses théories et ses pratiques.
Quelle lecture faites-vous de l’attaque des lieux de pouvoir brésiliens par les bolsonaristes, survenue quasiment deux ans jour pour jour après celle du Capitole par les partisans de Donald Trump, avec des correspondances frappantes ?
Ugo Palheta : Cette attaque était absolument prévisible, et l’ensemble de la gauche brésilienne avait prévenu depuis des mois que Jair Bolsonaro et ses partisans ne resteraient pas l’arme au pied en cas de victoire de Lula. Non seulement cette mobilisation factieuse d’extrême droite a été précédée par de nombreuses actions de militants bolsonaristes visant à contester le résultat de l’élection (barrages routiers sur des axes stratégiques, campements devant des casernes pour appeler les militaires à l’action…). Mais aussi parce que Bolsonaro n’avait cessé, depuis au moins un an et demi, de chercher à mobiliser ses partisans contre les institutions (en particulier le Tribunal suprême fédéral) et, comme Donald Trump dans le contexte états-unien, il avait affirmé publiquement à de nombreuses reprises que l’élection serait truquée, que sa victoire lui serait volée, etc. Il prétendait même que l’élection de 2018 avait été possiblement truquée et qu’il avait sans doute gagné dès le premier tour… Ainsi le terrain avait-il été préparé bien en amont, au plus haut sommet de l’État, pour une action de ce type, même si Bolsonaro s’est bien gardé de faire des appels explicites.
“On est loin d’en avoir terminé avec le bolsonarisme, qui est la principale variété brésilienne du néofascisme”
On voit en effet un Bolsonaro plus timoré, qui s’est davantage désolidarisé des militants que ne l’avait fait Trump, qui avait de son côté encouragé ses partisans voire instigué l’événement…
Bolsonaro bénéficiait pourtant de bien davantage d’appuis au sein de l’armée que Trump. Après tout, son gouvernement comptait plusieurs hauts gradés, et il avait fait entrer dans les ministères de nombreux militaires. Mais l’état-major de l’armée tout comme Bolsonaro lui-même savaient que les États-Unis – de même que la Chine et toutes les grandes puissances – étaient farouchement hostiles à un coup d’État. Se lancer dans une telle initiative aurait été une aventure certainement sans lendemain, et Bolsonaro aurait en outre pris le risque d’être condamné pour sédition. Le minimum de sens stratégique suppose pour lui d’attendre son heure, en ayant en tête quatre éléments : son parti a obtenu d’excellents résultats aux élections parlementaires qui se sont tenues également en octobre ; son résultat lors du second tour (49,1%) s’est situé à un niveau beaucoup plus élevé que ce qu’indiquaient les sondages depuis des mois ; il a su au cours des quatre dernières années construire par le haut une base militante, capable d’agir dans la rue, de menacer ses opposants de gauche et suffisamment en confiance pour prendre d’assaut les principales institutions politiques du pays ; et enfin, Lula risque d’être bloqué dans ses initiatives politiques parce que sa coalition est très hétérogène politiquement. Tout cela signifie qu’on n’en a nullement terminé avec Jair Bolsonaro et, encore davantage, avec ce qu’est le bolsonarisme, à savoir la principale variété brésilienne du néofascisme.
Depuis l’occupation du Capitole par les partisans de Donald Trump, la question se pose : Donald Trump est-il un héritier du fascisme, le…
Alors que le Brésil est en train de devenir l’un des principaux foyers de la pandémie de Covid-19, l’anthropologue Eduardo Viveiros de Castro tire…
Qui est Giorgia Meloni, figure montante de l’extrême droite en Italie, qui devrait sortir renforcée des élections du 25 septembre prochain, voire…
“Une fermeture permanente de la voie de la diplomatie”, c’est ainsi que l’Iran a réagi par la voix du porte-parole des Affaires étrangères aux…
L'enseignement de la philosophie est dans le collimateur du gouvernement du président brésilien Jair Bolsonaro. La discipline n’est pourtant pas…
Les élections générales brésiliennes s’ouvrent ce dimanche. Si l’attention médiatique se concentre autour du duel entre Lula et le président…
Tenter de dessiner le monde qui vient, beaucoup de penseurs s’y sont cassé les dents. Mais, de livre en livre, cet auteur de bande dessinée – …
Peu après les résultats des élections du Congrès, Donald Trump a annoncé le 15 novembre qu’il briguerait un second mandat en 2024. Pour le…